Traité de Paris, 20 mai 1784
entre la Grande-Bretagne et les Provinces-Unies des Pays-Bas

Le Traité de Paris du 20 mai 1784 met un terme à la quatrième guerre anglo-néerlandaise (1780–1784), un conflit colonial et maritime opposant la Grande-Bretagne aux Provinces-Unies (Pays-Bas). Cette guerre éclate dans le contexte plus large de la guerre d’indépendance des États-Unis, alors que les Pays-Bas, bien que neutres, entretiennent un commerce actif avec ces derniers. Ce soutien économique indirect provoque la colère de Londres, qui y voit une menace pour ses intérêts et déclare la guerre en décembre 1780.
Militairement, la guerre tourne rapidement à l’avantage des Britanniques : la marine néerlandaise, en déclin, ne peut rivaliser. L’alliance des Provinces-Unies avec la France ne suffit pas à inverser la dynamique du conflit.
Par ailleurs, la guerre aggrave les divisions politiques aux Pays-Bas. Le régime dirigé par le stathouder Guillaume V, est critiqué pour son inefficacité, tandis qu’un mouvement républicain, les Patriotes, gagne en influence. Le conflit accentue donc à la fois le déclin international des Provinces-Unies et leur crise politique interne.
Isolés, affaiblis, les Pays-Bas négocient une paix défavorable. Signé à Paris le 20 mai 1784, le traité confirme leur perte d’influence au profit du Royaume-Uni, qui renforce sa domination maritime et coloniale.
Trait définitif de paix entre l’Angleterre & les Provinces. Un. De Pays-Bas.
Traité définitif de paix & d’amitié entre Sa Majesté le Roi de la Grande-Bretagne & Leurs Hautes Puissances les Etats-Généraux des Provinces-Unies des Pays-Bas ; signé à Paris le 20 Mai 1784.
(Jenkinson TT. p. 420. & se trouve dans Nouv. extraurd. 1784 n. 56. 57. supplément Vervolgh. van het Recueil. N.33. en Hollandois dans Nieuwe Nederl. Faarboeken 1784. p.1098. 1103. & (v. Kruis index federum) Maandl. Nederl. M. P.U. p.3. et en Italien dans Storia dell’ Anno 1784. p.96.)
Au Nom de la Très-Sainte & Indivisible Trinité, Père, Fils & Saint-Esprit. Ainsi soit-il.
Soit notoire à tous ceux qu’il appartiendra, ou peut appartenir, en manière quelconque. Le Sérénissime & Très-Puissant Prince & Seigneur George Trois, par la Grâce de Dieu, Roi de la Grande-Brétagne, de France & d’Irlande, Duc de Brunsvick & de Lunebourg, Archi-Trésorier & Électeur du Saint Empire Romain, &c. & les Hauts & Puissants Seigneurs les États-Généraux des Provinces-Unies des Pays-Bas, ayant posé les fondemens de la paix par les préliminaires signés à Paris le second Septembre dernier ; & Sa dite Majesté, & les dits États-Généraux, voulant consommer un si grand & salutaire ouvrage, ont nommé & autorisé, savoir, de la part de Sa Majesté Britannique, Daniel Hailes, Ecuyer, Ministre Plénipotentiaire de Sa dite Majesté près de Sa Majesté Très-Chrétienne ; & de la part de Leurs Hautes Puissances les dits États-Généraux, les Très-Nobles & Très-Excellents Seigneurs Matheus Lefievenon, Seigneur de Berkenroode & Stryen, Député à l’Assemblée des États-Généraux des Provinces-Unies des Pays-Bas de la part de la Province de Hollande. & leur Ambassadeur Ordinaire auprès de Sa Majesté le Roi Très-Chrétien, & Gerard Brantfen, Bourguemestre & Sénateur de la ville d’Arnhem, Conseiller & Grand Maître des Monnaies de la République, Député aux États-Généraux des Provinces-Unies, & Leur Ambassadeur Extraordinaire & Plénipotentiaire près Sa Majesté Très-Chrétienne; Lesquels, après s’être dûment communiqué leurs pleinspouvoirs en bonne forme, sont convenus des Articles suivants.
ART. I. – PAIX & AMITIÉ
Il y aura une paix Chrétienne, universelle & perpétuelle, tant par mer que par terre, & une amitié sincère & constante sera rétablie, entre Sa Maj. Britannique, ses héritiers & successeurs, Royaumes, Etats, & sujets. & leurs Hautes Puissances les dits États- Généraux, & leurs États & sujets, de quelque qualité & Condition qu’ils soient, sans exception de lieux ni de personnes; en sorte que les Hautes Parties Contratantes apporteront la plus grande attention à maintenir entre elles et leurs dits Etats et sujets, cette amitié et correspondance réciproque, sans permettre dorénavant que, de part ni d’autre, on commette aucunes fortes d’hostilités, par mer ou par terre, pour quelque cause ou sous quelque prétexte que ce puisse être; et on évitera soigneusement tout ce qui pourrait altérer, à l’avenir, l’union heureusement rétablie, s’attachant, au contraire, à se procurer réciproquement, en toute occasion, tout ce qui pourrait contribuer à leur gloire, intérêts et avantages mutuels, sans donner aucun secours ou protection, directement ou indirectement, à ceux qui voudraient porter quelque préjudice à l’une ou à l’autre des dites Hautes Parties Contractantes. Il y aura un oubli général de tout ce qui a pu être fait ou commis, avant ou depuis le commencement de la guerre qui vient de finir.
ART. II. – HONNEURS DU PAVILLON
A l’égard des honneurs du pavillon, et du salut en mer, par les vaisseaux de la République vis-à-vis de ceux de Sa Maj. Britannique, il en sera usé respectivement de la même manière qui a été pratiquée avant le commencement de la guerre qui vient de finir.
ART. III. – PRISONNIERS
Tous les prisonniers faits de part et d’autre, tant par terre que par mer, et les otages enlevés ou donnés, pendant la guerre, et qui ne sont pas encore restitués conformément au Traité préliminaire, seront restitués au plus tôt sans rançon ; chaque Puissance soldant respectivement les avances qui auront été faites, pour la subsistance et l’entretien de ses prisonniers, par le Souverain du pays où ils auront été détenus, conformément aux reçus et états constatés, et autres pièces authentiques, qui seront fournies de part et d’autre : & il sera donné réciproquement des sûretés pour le paiement des dettes que les prisonniers auroient pu contracter, dans les Etats où ils auront été détenus jusqu’à leur entière liberté. Et tous les vaisseaux, tant de guerre que marchands, qui auroient été pris depuis l’expiration des termes convenus pour la cessation des hostilités par mer, seront pareillement rendus, de bonne foi, avec tous leurs équipages et cargaison : Et on procédera à l’exécution de cet Article immédiatement après l’échange des ratifications de ce Traité.
ART. IV. – NEFAPATNAM
Les Etats- Généraux des Provinces- Unies cèdent nam, garantissent, en toute propriété, à Sa Maj. Britannique, la ville de Negapatnam, avec les dépendances d’icelle; mais vu l’importance que les Etats- Généraux des Provinces- Unies attachent à la possession de ladite ville, le Roi de la Grande- Bretagne, pour marque de sa bienveillance envers lesdits Etats, promet, nonobstant la dite cession, de recevoir et de traiter avec eux pour ladite ville, en cas que les Seigneurs Etats auront à l’avenir quelque équivalent à lui offrir.
Art. V. – RESTITUTION DES CONQUÊTES ANGLOISES
Le Roi de la Grande-Bretagne restitua aux États-Généraux des Provinces-Unies, Trinquemalé, ai si que toutes les villes, forts, havres, & établissements, qui, dans le cours de la guerre, ont été conquis, dans quelque partie du monde que ce soit, par les armes de sa Majesté Britannique, ou par celles de la compagnie des Indes Orientales Angloise, & dont il se trouverait en possession ; le tout dans l’état où ils se trouveront.
ART. VI. – NAVIGATION MERS ORIENTALES
Les États-généraux des Provinces-Unies promettent & s’engagent à ne point gêner navigation des sujets Britanniques dans les mers Orientales.
ART. VII. – NAVIGATION CÔTES D’AFRIQUE
Comme il s’est élevé des différents entre la Compagnie Africaine Angloise, & la Compagnie des Indes Occidentales Hollandoise, relativement à la navigation sur les côtes d’Afrique, ainsi qu’au sujet du Cap Apollonia ; pour prévenir toute cause de plainte entre les sujets des deux nations sur ces côtes, il est convenu que, de part & d’autre, on nommera des Commissaires pour faire à cet égard des arrangements convenables.
ART. VIII. – CONQUÊTES EN GÉNÉRAL
Tous tes pays & territoires qui pourraient avoir été conquis, et qui pourraient l’être, dans quelque quelconque partie du monde que ce soit, par les armes de Sa Majesté Britannique, ainsi que par celles des Etats-Généraux, qui ne sont pas compris dans les présents Articles, ni à titre de cession ni à titre de restitution, seront rendus sans difficulté, & sans exiger de compensation.
Art. IX. – EVACUATION
Comme par l’Article neuvième du Traité préliminaire, il a été stipulé & fixé, par les Hautes Parties Contractantes, une époque pour les restitutions & évacuations à faire, de part & d’autre, des villes, places, & territoires, dont leurs armées respectives se seroient emparés, & dont elles se trouveraient en possession, à l’exception de ce qui avait été cédé ; & que le terme énoncé dans le susdit neuvième Article s’est déjà écoulé ; les dites Parties Contractantes s’engagent réciproquement, & de bonne foi, d’observer lesdites stipulations ; & dans le cas que, par quelque accident ou autrement, les cessions & restitutions y compris n’auraient pas eu lieu, d’expédier directement les ordres nécessaires, afin qu’il ne reste aucun retardement à l’accomplissement des dites stipulations.
ART. X. – OBSERVATION DU TRAITÉ
Sa Maj. Britannique, & Leurs Hautes Puissances les susdits Etats- Généraux, promettent d’observer sincèrement, & de bonne foi, tous les Articles contenus & établis dans ce présent Traité; & elles ne souffriront pas qu’il soit fait de contravention, directe ou indirecte, par leurs sujets respectifs: & les susdites Hautes Parties Contractantes se garantissent, généralement & réciproquement, toutes les stipulations des présents Articles.
Art. XI. – RATIFICATIONS
Les ratifications solennelles du présent Traité, expédiées en bonne & due forme, seront échangées en cette ville de Paris, entre les Hautes Parties Contractantes, dans l’espace d’un mois, ou plutôt, si faire se peut, à compter du jour de la signature du présent Traité.
En foi de quoi, nous soussignés, leurs Ambassadeurs & Ministres Plénipotentiaires, avons signé de notre main, en leur nom. & en vertu de nos pleinpouvoirs, le présent Traité définitif, & y avons fait apposer les cachets de nos armes.
Fait à Paris, le vingt de May, mil sept cent quatre-vingt-quatre.
(L. S.) Daniel Hares.
Article séparé 1. – langue
Il a été convenu & arrêté, que la langue Françoise, employée dans tous les exemplaires du présent Traité, ne formera point un exemple qui puisse être allégué, ni tirer à conséquence, ni porter préjudice, en aucune manière, à l’une ni à l’autre des Puissances Contractantes ; & que l’on se conformera à l’avenir à ce qui a été observé, & doit être observé, à l’égard & de la part des Puissances, qui sont en usage & en possession de donner & de recevoir des exemplaires de semblables Traités, en une autre langue que la Françolise ; le présent Traité ne laissant pas d’avoir la même force & vertu que si le susdit usage y avait été observé.
En foi de quoi, nous soussignés, Ambassadeurs & Ministres Plénipotentiaires de Sa Maj. Britannique, & des États-Généraux des Provinces-Unies, avons signé le présent Article séparé, & y avons fait apposer les cachets de nos armes.
Fait à Paris, le vingt de May, mil sept cent quatre-vingt-quatre.
(L. S.) Daniel Hares,
(Le plein pouvoir du Roi d’Angleterre est daté du 27. Avr. 1784. celui des États-Généraux du 17. Août 1782. L’un & l’autre se trouve dans Le Recueil de JENKINSON T. III. P. 424 – 426.)
Le texte du traité est publié in
| 5,1 Mo Martens, R., t. II, n° 120, pp. 520-524Pour les références bibliographiques des recueils mentionnés ci-dessous, voy. la page consacrée aux recueils de traités
La présente fiche a été réalisée dans la cadre du Master 2 Droit et Action humanitaires de la Faculté de droit et de science politique de l’Université d’Aix-Marseille.
Elle a été conçue par :
Olivia Bechet (fiche de contextualisation, illustration, résumé)
Auteur 2 (correction du texte intégral)
Pr. Romain Le Boeuf (sources, transcription du texte intégral)
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