1989, 19 octobre, Déclaration de Madrid

Déclaration de Madrid , 19 octobre 1989

entre l’Argentine et la Grande-Bretagne

La Déclaration de Madrid, signée le 19 octobre 1989, a établi de nouvelles bases diplomatiques entre l’Argentine et le Royaume-Uni à la suite de la guerre des Malouines. Elle a permis la normaliations de leurs relations sans pour autant régler la question de souveraineté.

Les Îles Malouines constituent depuis longtemps un enjeu géopolitique stratégique pour l’Argentine et le Royaume-Uni. Situées dans l’océan Atlantique, ces îles représentent un enjeu crucial en raison de leur position stratégique ouvrant la voie vers l’Antarctique. Contrôler ces îles serait, pour un pays, une première étape en vue de l’exploitation des ressources situées sur un continent encore aujourd’hui peu, voire pas exploité. C’est pourquoi les Îles Malouines sont une véritable opportunité économique et de puissance pour les nations concernées.

Cet archipel a été sous la domination de nombreux colonisateurs, dont les deux susmentionnés ainsi que la France. Bien que sous domination britannique depuis 1833, les îles étaient revendiquées par l’Argentine, le pays ayant ses côtes les plus proches de l’archipel. Le 2 avril 1982, l’Argentine a envahi les îles, y compris la Géorgie du Sud, provoquant une réplique militaire du Royaume-Uni et donnant lieu à la guerre des Malouines. Les forces britanniques, mieux équipées et entraînées, parvinrent à reprendre le contrôle des îles après des combats intenses et des pertes significatives de part et d’autre jusqu’à la capitulation de l’Argentine.

C’est dans ce contexte de guerre que, le 19 octobre 1989, la Déclaration de Madrid a été signée, permettant d’initier de nouveaux rapports diplomatiques entre l’Argentine et le Royaume-Uni. Bien que la question de la souveraineté des îles reste toujours un point de désaccord, le Royaume-Uni, vainqueur de la guerre, demeure encore aujourd’hui le détenteur des îles.

Assemblée générale Conseil de sécurité

24 octobre 1989
FRANCAIS
ORIGINAL : ANGLAIS/ESPAGNOL

ASSEMBLEE GENERALE; Quarante-quatrième session ; Point 35 de l‘’ordre du jour ; QUESTION DES ILES FALKLAND (MALVINAS)

CONSEIL DE SECURITE; Quarante-quatrième année

Lettre datée du 24 octobre 1989, adressée au Secretaire général par les Représentants permanents de l’Argentine et du Royaume-Uni de Grande – Bretagne et d’Irlande du Nord auprès de l’Organisation des Nations Unis.

Nous avons l'‘honneur de vous faire tenir ci-joint le texte de la déclaration commune qui a été publiée à l‘issue de la réunion des représentants des Gouvernements de l‘Argentine et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, qui s‘est tenue à Madrid du 17 au 19 octobre 1989.

Nous vous serions obligé de bien vouloir faire distribuer le texte de la présente note et de son annexe comme document officiel de l'Assemblée générale, au titre du point 35 de l'ordre du jour, et du Conseil de sécurité.

(Signé) Crispin TICKELL (Signé) Jorge Vázquez

page 2 Déclaration commnue publiée par les délégations de la République argentine et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande de Nord

  1. Les délégations des Gouvernements du Royaume-Uni et de l’Argentine se sont réunies à Madrid du 17 au 19 octobre 1989. La délégation britannique était dirigée par le Représentant permanent du Royaume-Uni auprès de l’Organisation des Nations Unies, Sir Crispin Tickell, et celle de l’Argentine, par le Représentant spécial du Gouvernement argentin, l’Ambassadeur Lucio Garcia. La réunion avait pour objet d’examiner les questions convenues au cours de la première réunion que les deux pays avaient tenue à New York au mois d’août, à savoir : i) Les déclarations liminaires; ii) La formule concernant la souveraineté; iii) L’organisation des travaux; iv) Les relations entre le Royaume-Uni et l’Argentine (y compris l’avenir des relations diplomatiques et consulaires) : a) Les mesures propres à renforcer la confiance et à éviter les incidents de nature militaire; b) Les relations commerciales et financières; c) Les communications et liaisons aériennes et maritimes; d) La préservation des pêcheries et la coopération future dans le domaine de la pêche; e) Les contacts entre les îles Falkland (Malvinas) et la terre ferme; f) Les relations culturelles, scientifiques et sportives; g) D'autres questions bilatérales.
  2. Les deux gouvernements sont convenus de ce qui suit :

i) Rien dans le déroulement ou le contenu de la présente réunion ou de toute réunion ultérieure similaire ne sera interprété comme :

a) Un changement de la position du Royaume-Uni en ce qui concerne la souveraineté ou la juridiction territoriale et maritime sur les îles Falkland (Malvinas), la Géorgie du Sud et les îles Sandwich du Sud, ainsi que sur les zones maritimes circonvoisines.___page 3___

b) Un changement dans la position de la République argentine en ce qui concerne la souveraineté ou la juridiction territoriale et maritime sur les îles Falkland (Malvinas), la Georgie du Sud et les îles Sandwich du Sud ainsi que sur les zones maritimes circonvoisines;

c) La reconnaissance ou le soutien de la position du Royaume-Uni ou de la République argentine en ce qui concerne la souveraineté ou la juridiction territoriale et maritime sur les îles Falkland (Malvinas), la Géorgie du Sud et les îles Sandwich du Sud, ainsi que sur les zones maritimes circonvoisines.

ii) Aucun acte et aucune activité réalisé par le Royaume-Uni, la République argentine ou une tierce partie, à la suite ou en application d’un accord conclu à la présente réunion ou lors de toute réunion similaire ultérieure ne constituera une base pour affirmer, appuyer ou rejeter la position du Royaume-Uni ou de la République argentine en ce qui concerne la souveraineté ou la juridiction territoriale et maritime sur les îles Falkland (Malvinas), la Géorgie du Sud et les îles Sandwich du Sud, ainsi que sur les zones maritimes circonvoisines.

  1. Les deux gouvernements ont réaffirmé leur engagement de respecter pleinement les principes de la Charte des Nations Unies notamment :
  • L’obligation de régler leurs différends par des moyens exclusivement pacifiques;
  • L’obligation de s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force.

Les deux gouvernements ont noté que toutes les hostilités entre leurs deux pays avaient cessé. Chaque gouvernement s’est engagé à ne plus tenter d’obtenir réparation de l’autre, y compris des ressortissants de l’autre, pour toute perte ou dommage découlant des hostilités ou de toutes autres actions survenues, avant 1989, dans les îles Falkland, la Géorgie du Sud et les îles Sandwich du Sud et dans les zones environnantes.

  1. Les deux gouvernements sont convenus, après notification aux autorités qu’ils représentent, de rétablir leurs relations consulaires au niveau du consulat général.
  2. Les deux gouvernements ont réaffirmé leur désir de normaliser les relations entre leurs deux pays en vue de rétablir leurs relations diplomatiques et ont décidé d’inscrire la question des relations diplomatiques à l’ordre du jour de leur prochaine réunion.
  3. Les délégations ont échangé des vues et des propositions sur les mesures propres à renforcer la confiance et à éviter les incidents de nature militaire. À la suite de ces échanges, elles ont décidé de créer un groupe de travail chargé d’examiner ces vues et propositions et de faire rapport à leurs gouvernements respectifs en vue de poursuivre l’examen de cette question à la prochaine réunion de fond.page 4

Entre-temps, en vue de renforcer la confiance mutuelle, la délégation britannique a annoncé que le Gouvernement britannique avait décidé :

  • D’abolir l’obligation qui était imposée aux navires commerciaux argentins d’obtenir un accord préalable pour pénétrer dans la zone de protection;
  • D’aligner les limites de la zone de protection sur celles de la zone de conservation.

Ces changements entreront en vigueur à une prochaine date qui sera annoncée.

La délégation argentine a pris note de ces annonces.

  1. Chaque délégation a affirmé le désir de son gouvernement de promouvoir les relations commerciales et financières. Les deux gouvernements ont convenu de lever toutes les restrictions et pratiques restrictives qui avaient été imposées
    depuis 1982. Compte tenu de cet accord, le Gouvernement britannique a décidé de faciliter la mise en place de liens de coopération entre l’Argentine et la Communauté économique européenne.
  2. La délégation britannique a annoncé que le Département de la garantie des crédits a l’exportation mettrait à la disposition des sociétés britanniques exportant vers l’Argentine une couverture à court terme en vertu de lettres de crédit irrévocables de banques argentines. La délégation britannique a également annoncé qu’une mission commerciale organisée par le Groupe consultatif commercial pour l’Amérique latine du Conseil britannique du commerce d’outre-mer se rendrait en Argentine, où elle séjournerait du 27 novembre au ler décembre 1989, avec l’appui financier du Ministère du commerce et de l’industrie. La délégation argentine s’est félicitée de ce projet de visite.
  3. Les deux gouvernements ont décidé de rétablir les communications et livraisons aériennes et maritimes entre les deux pays. Ils inviteront leurs autorités respectives dans le domaine de l’aviation civile à engager les négociations appropriées.
  4. En ce qui concerne les pêcheries, les deux délégations ont présenté leurs positions respectives. Elles ont convenu de créer un groupe de travail chargé de formuler des propositions aux fins de l’échange d’informations et de l’adoption de mesures de coopération et de conservation dont elles seraient informées à une future réunion.
  5. Les deux délégations ont échangé des vues sur les contacts entre les îles Falkland (Malvinas) et la terre ferme et sont convenues des avantages qu’il y avait à développer ces liens et à garder la question à l’examen.
  6. Les deux délégations ont exprimé leur appui aux relations culturelles, scientifiques et sportives qui existaient déjà et ont déclaré qu’elles espéraient que ces relations continueraient à se développer. Elles ont également exprimé l’espoir qu’à mesure que la normalisation progresserait, des relations plus formelles seraient rétablies dans ces domaines, notamment par le biais d’un nouvel accord culturel.

page 5

  1. Il a été convenu que les deux gouvernements enverraient conjointement le texte de la présente déclaration au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies afin qu’il soit distribué comme document officiel de l’Assemblée générale, au titre du point 35 de l’ordre du jour de la session en cours, et du Conseil de sécurité. Le Royaume-Uni communiquera la présente déclaration commune à la Commission des Communautés européennes, et, pour sa part, la République argentine la communiquera à l’Organisation des États américains.
  2. Les deux délégations ont décidé de tenir leur prochaine réunion de fond à Madrid les 14 et 15 février 1990.
  3. En conclusion, les deux délégations ont remercié le Gouvernement espagnol de son hospitalité et de son appui généreux.

La présente fiche a été réalisée dans la cadre du programme de stade du CERIC à l’Université d’AIx-Marseille.

Elle a été conçue par :

Clémentine Durand (fiche de contextualisation, illustration, correction du texte intégral, résumé)

Marie Albano (validation)

Pr. Romain Le Boeuf (sources, transcription du texte intégral)

Crédits image : Wikipédia