Traité de Breda, 31 juillet 1667
entre l’Angleterre et le Danemark

La deuxième guerre anglo-néerlandaise, opposant le royaume d’Angleterre et les Provinces-Unies, se déroule de 1665 à 1667. Elle fait suite à la première guerre anglo-néerlandaise et se conclut par une victoire néerlandaise. Tout comme la première, la deuxième guerre anglo-néerlandaise a pour principal enjeu la maîtrise des principales routes commerciales maritimes, sur lesquelles les Néerlandais exercent alors une nette domination.
Les royaumes de France et du Danemark et la principauté épiscopale de Münster s’impliquent dans la guerre, mais y participent seulement dans une mesure limitée. Après des succès initiaux pour les Anglais, la guerre tourne à l’avantage des Néerlandais.
Le Traité de Bréda, signé le 31 juillet 1667, met fin aux hostilités. La paix est favorable aux Provinces-Unies mais ses termes sont modérés pour l’Angleterre.
Traité de Paix entre Frédéric III, Roi de Danemarc & Charles II. Roi d’Angleterre. Avec les DECLARATIONS des Ambassadeurs de France sur quelques Articles dudit Traité. Conclu à Breda le 31. Juillet , 1667. [Frédéric Leonard. Tom. V. En Latin, mais plus abrégé dans AITZEMA, Affaires d’Etat & de Guerre, Tom. XIII. pag. 402. Theatrum Pacis. Tom. II. pag. 467. LONDORPII Acta publica Tom. IX. pag. 520. en Allemand. GASTELIUS, de Statu publico Europe noviff pag. 270. en Allemand].
A Tous en général, & à chacun en particulier, qui y ont intéreft, ou qui peuvent y en avoir. L’on fait à fçavoir & l’on certifie; Qu’après la Guerre furvenuë entre le Sereniffime & Très-Puissant Prince Frédéric III. Roi de Danemarc, de Norwegue, des Vandales & des Goths; & le Sereniffime & Très-Puissant Prince Charles II. Roi de la Grand’ Bretagne & d’Irlande, à l’occafion de celle qui depuis quelques années s’étoit allumée entre lui Roi de la Grand’ Bretagne, & Hauts & Puiffants Seigneurs les États Généraux des Provinces-Unies des Païs-Bas, par la grâce de Dieu qui a béni l’ouvrage, & par la Médiation du Sereniffime & Très-Puissant Prince Charles XI, Roi de Suède, des Vandales, & des Goths, qui excité par l’amour & affection singulière qu’il porte aux deux Rois qui se faisaient entre eux la Guerre, & aussi à leurs Royaumes, & de plus poussé par le zèle & le désir qui a de travailler au salut de la Chrétienté, & y rétablir & conferver le repos, s’est interposé comme Médiateur, & a employé ses offices de sincère ami, l’on a pensé de part & d’autre au rétablissement de la Paix, & que pour y parvenir l’on est convenu de la Ville de Breda, pour le lieu de l’Assemblée & des Conférences des Ambassadeurs Extraordinaires & Plénipotentiaires entre eux. Et afin de conduire cette affaire à sa perfection désirée ; Que les Ambassadeurs Extraordinaires de sa Royale Majesté Sereniffime de Suède, les Très-illustres & Très-Excellens Seigneurs, le Seigneur George Flemmingh libre Baron de Liebelitz, Seigneur De Nornaas & Liding, Conseiller de sa Royale Majesté Séréniffime de Suède, Sénateur du Royaume & Conseiller de la Chancellerie; le Seigneur Christophe van Delft Comte de Dhona, Seigneur Héréditaire de Corwinden, Schobiffen, Borgdorff, Slakels & Sifelbach, Maréchal de Camp de la Royale Majesté Séréniffime de Suède, Conseiller en son Conseil de Guerre; & le Seigneur Pierre Jules Coyet Seigneur Héréditaire de Bengsboda, & Liengebigord, Chevalier, Conseiller de la Chancellerie de sa Royale Majesté Séréniffime de Suède, & de son Conseil Aulique, prévenu toutefois de mort inopinée peu de tems après son arrivée en ce lieu ; pendant qu’il contribuoit par ses Travaux à l’accomplissement d’une œuvre si sainte, ont avec sincérité & promptitude, au nom de leur tres-clement Roi & Seigneur, employé toute leur industrie, dextérité & prudence. Comme aussi que les Rois, ci-dessus nommés, se portant à une fin si salutaire, ont commis & député, pour travailler au Traité de la Pacification présente, leurs Ambassadeurs Extraordinaires & Plénipotentiaires : c’est à fçavoir le Séréniffime & Très-Puissant Roi de Danemarc & de Norvège ; &c. le Seigneur Paul Klingenberg Seigneur Héréditaire de Bustrug, Hauroro, & Toftrup. Conseiller de sa Royale Majesté Séréniffime en son Amirauté, & Maître Général des Postes, & le Seigneur Pierre Carifius, son Conseiller en ses Conseils; & le Séréniffime & Très-Puissant Prince Roi de la Grand’ Bretagne, &c. le Seigneur Denzel Holles, Baron d’Yfeild, Conseiller de Sa Royale Majesté Séréniffime en ses Conseils ; & le Seigneur Henri Coventrye, Fils du défunt très-honoré Thomas Coventrye Garde du grand Sceau d’Angleterre, Gentilhomme Privé de sa Chambre, Sénateur dans l’Assemblée ou Parlement Souverain d’Angleterre, & Commissaire pour l’adjudication des Terres dans le Royaume d’Irlande, qui après avoir mutuellement & de bonne foi communiqué entr’eux les Lettres de leurs Pleins-Pouvoirs, (dont les Copies sont insérées de mot à mot à la fin du présent Traité), sont convenus des Articles de Paix & d’amitié ci-après déclarez.
Art. 1 – L’on est convenu, & il a été conclu & accordé, qu’à l’avenir, à commencer de ce jour, il y aura Paix perpétuelle, ferme, & inviolable entre le Séréniffime & Très-Puissant Prince Frédéric III. Roi de Danemarc, de Norvège, &c. Et le Séréniffime & Très-Puissant Prince Charles II. Roi de la Grand’ Bretagne, entre leurs Héritiers & Successeurs; comme aussi entre leurs Royaumes; Principautez, Comtez; Ifles, Villes, Forteresses, leurs Sujets, & tes Habitans, de quelque qualité & condition qu’ils foient. En telle sorte, que l’un conserve & procure le bien & l’avantage de l’autre, comme le sien propre; & aussi, que l’un empêche & détourne avec toute son industrie, le dommage & la ruine de l’autre. En consideration de quoi, la liberté de la Navigation & du Commerce demeure mutuelle & réciproque aux Sujets de l’un & de l’autre Roi; comme aussi d’entrer, séjourner, & négocier avec leurs Marchandises dans les Places de Commerce, Havres & Rivières de l’un & de l’autre.
Art. 2 – Tous Actes d’inimitié, de Guerre & d’hostilité cesseront en vertu du présent Traité, tant par Mer que par Terre, entre les Rois ci-dessus nommez, leurs Royaumes, Principautez, Sujets, & Habitans : c’est à fçavoir dans la Mer Boréale ou du Septentrion, dans la Mer Baltique, comme aussi dans le Canal (ou Manche) d’Angleterre, dans le vingt-unième jour; & depuis l’entrée du Canal ou Detroit jusques au Cap de S.Vincent, dans le terme de six semaines. Et cesseront pareillement dans l’espace de dix semaines, depuis ce même Cap, jusqu’à la Ligne Equinoxiale, ou Equateur, tant à la Mer Océane, qu’en la Mer Méditerranée. Et finalement dans l’espace de huit mois ils cesseront au delà de l’Equateur par toute la Terre sans aucune exception, ou distinction plus étenduë de tems ou de lieu. Tous les jours, les semaines, & les mois exprimez se comptant du jour de la signature du présent Traité, & de la Publication qui en sera faite en cette Ville de Breda. Et les jours ci-dessus prefix étant passez, tout ce qui aura été pris & occupé par l’un ou l’autre des Rois, ou par ceux qui sont à leur service; a qui l’on aura donné des Commissions pour aller en course, sera rendu le-même & entier à icelui, ou à ceux à qui il aura été pris; qui seront pleinement dédommagez des pertes; dépenses & frais qu’ils auront faits pour ce sujet. Et ceux qui commettront quelque attentat en cette partie; seront punis chacun d’eux selon le mérite du délit.
Art. 3 – Il a été aussi accordé & conclu, que de part & d’autre toutes les discordes, soupçons, défiances & mauvaises intentions, tant de la part du Séréniffime Roi de Danemarc, que de celle du Séréniffime Roi de la Grand’ Bretagne, comme aussi en ce qui touche leurs Ministres, Officiers & Sujets, demeureront supprimées & enfevelies dans un oubli, ou amnistie perpetuelle. Mais en outre par le présent Traité la mémoire sera pour jamais abolie & effacée de tous les dommages, offenses & injures qu’ils ont faites l’un à l’autre tant de fait que de paroles, ou par écrit, incontinent après la Guerre commencée jusques à ce jour & terme de tems prescrit & limité: auquel toutes dissentions, discordes, differends, mesintelligences, & inimitiez, cesseront & demeureront assoupies ; nommement l’attaque & défense qui furent faites dans le Port de la Ville de Berghes en Norwegue; & generalement tout ce qui s’y passa, ou qui peut dépendre de cet événement. En sorte que l’une des Parties ne cause aucun trouble ou empêchement à l’autre sous quelque prétexte que ce soit, tant s’en faut qu’elle attente ou entreprenne de faire aucun Acte d’hostilité, pour raison de quelque perte; offense, ou dépense soufferte en suite de cet accident.
Art. 4 – Tous les Prisonniers de part et d’autre, de quelque qualité et condition qu’ils foient, seront mis en liberté sans payer aucune rançon.
Art. 5 – Tous les Navires, Biens et autres choses semblables, qui ont été pris réciproquement par l’un sur l’autre pendant l’embrasement et les troubles de la Guerre faite entre les deux Rois susmentionnez & leurs Sujets : ou les Biens et prétentions qui ont été confisquées par l’une des Nations sur les Sujets de l’autre, ou qui ont été prises et enlevés; comme encore tous les frais de la Guerre faits de part et d’autre, demeureront également compensez, sans que l’on en fasse jamais question ou demande. Comme aussi sont comprises dans cette compensation les Dettes actives des Sujets du Roi de la Grand’ Bretagne qui ont été confisquées par le Roi de Danemarc. S’entend, que toutes les Dettes de cette nature, qui depuis le dixième Maivieil ftile et vingtième du nouveau, auront été payées par ses Sujets; & par lui reçuës en vertu de la confiscation et des Lettres de représailles, demeureront eteintes, comme ayant été acquittées. Et qu’à l’avenir il ne foit point permis aux Creanciers de telles Dettes de prétendre s’en faire payer en cette qualité, ou de contraindre au payement, moins encore par autre raison sous quelque prétexte que ce soit. Mais il sera licite & permis aux Sujets du Roi de la Grand’ Bretagne de demander & poursuivre par les voyes de Droit & ordinaires de la Justice, le payement de telles Dettes confisquées qui n’auront point encore été payées & reçuës au jour ci-dessus déclaré. Excepté toutefois la Somme de six-vingt mille Risdales plus ou moins, qui provient de certains différens survenus entre le Roi de Danemarc et de Norwegue Christian IV. de glorieuse mémoire & le Parlement d’Angleterre, à cause du secours qu’il envoya au défunt de glorieuse mémoire Charles I. Roi de la Grand’ Bretagne ; pour laquelle Somme le Séréniffime Roi de Danemarc et de Norwegue, s’est obligé, & en a donné son obligation à la Compagnie de certains Marchands Anglois, qui négocient à Hambourg, & qui présentement y font leur demeure, ou l’y ont ci-devant faite. Laquelle prétention de six-vingts mille Risdales, plus ou moins, étant détruite par la confiscation, demeurera par le présent Traité annulée, éteinte & abolie, en sorte que les Créanciers de tette Dette ne pourront en cette qualité, présentement ni à l’avenir; demander ou prétendre quoi que ce soit. Comme aussi l’on est convenu & demeuré d’accord par paroles très expresses, que l’on ne fera point revivre, ni l’on ne renouvellera aucune prétention pour raison des Navires & Biens pris & enlevez de la sorte, & pour les Dettes deeuës aux Créanciers, abolies & supprimées par la confiscation, selon qu’il vient d’être déclaré ci-dessus. Mais que toutes foient reputées & tenuës pour annullées, éteintes & abolies de part & d’autre au moyen de la compensation solennelle qui s’en fait. S’entendant toutefois, que les Terres & Biens Immeubles ne sont point compris dans cette annulation & extinction, mais qu’ils foient sans difficulté & empêchement quelconque restituez à ceux qui en étaient Possesseurs & Propriétaires avant la Déclaration de la présente Guerre.
Art. 6 – Il a été aussi accordé, & l’on est convenu, que sous la compensation ci-dessus, l’on n’a point entendu y comprendre les Païs, Villes, Forteresses, ou les Ports, ni autres Lieux de cette nature. Et au cas qu’il se trouvât que l’une des Parties durant le cours de la Guerre se fût emparé de quelqu’un de cette qualité, foit au dedans de l’Europe ou au dehors, ou qu’il s’en rendît le maître dans le tems limité par le second Article; il sera incontinent, sans aucun délai, tergiverfation, ni allegation d’aucun prétexte, restitué tel qu’il foit à qui il appartenoit auparavant, avec toutes les plus petites choses qui en dépendent, & au même état qu’il étoit, lors qu’il a été pris, sans qu’il puisse être retenu par forme de compensation ou de dédommagement.
Art. 7 – Seront compris dans le présent Traité ceux qui devant l’échange des Ratifications, ou après dans les six mois suivans, seront nommez du consentement de l’une & de l’autre des Parties. Et comme elles ; qui traitent ensemble, reconnaissent avec gratitude les sincères offices, & continuel zèle & affection, avec lesquels le Roi Très Séréniffime de Suède, assisté du secours & aide divine, a avancé ce salutaire ouvrage de Pacification ; pour lui témoigner réciproquement une pareille affection ; il a été ordonné par le consentement commun de toutes les Parties, que Sa Royale Majesté Séréniffime, ci-dessus nommée, soit comprise & incluse dans le présent Traité de Paix, en la meilleure forme qu’il se peut, avec tous ses Royaumes, Seigneuries, Provinces, & tous les Droits qui lui appartiennent.
Art. 8 – Il a été finalement conclu, arreté, & accordé, que les ci-dessus nommez, Sereniffimes & Très-puissans Rois, garderont & observeront avec sincerité & de bonne foi, le contenu du présent Traité, & qu’ils le feront inviolablement garder & entretenir par leurs Sujets & Habitans de leurs Païs, & qu’ils n’y contreviendront directement ni indirectement; & ne permettront qu’il y foit contrevenu en aucune manière par leurs Sujets, ou par ceux qui font leur demeure dans leurs Royaumes: & qu’ils en ratifieront & confirmeront tous les Points & Articles, comme ils font ci-dessus accordez, par Lettres Patentes souscrites de leurs propres mains, & scellées de leurs grands Sceaux, conçuës & écrites en forme suffisante pour leur donner autorité, & faire sortir effet. Lesquelles Lettres Patentes feront réciproquement échangées dans le tems de quatre semaines prochaines, ou plûtôt si faire se peut, après la date des Présentes, & les donneront dans cette Ville de Breda, ou y seront données de bonne foi, réellement, & de fait.
Et pour faire foi de toutes les choses ci-dessus & de chacune d’elles, & pour leur donner plus de force & d’autorité: Nous Ambassadeurs Extraordinaires & Plenipotentiaires, avons sousigné de nos mains le présent Traité & Acte, avec les Illustriffimes & Excellentiffimes Seigneurs les Ambassadeurs Extraordinaires Mediateurs à Breda, le trente-unième Juillet mil six cens soixante-sept.
(L.S.) George Flemming. Paul Klingenberg.
Holles. Pierre Carifius.
(L.S.) Henry Coventry.
Christophe Delphigue de Dhona.
Le texte du traité est publié in
| 2,9 MoDumont, t. VII, part. 1, n° XIX, pp. 53-54Pour les références bibliographiques des recueils mentionnés ci-dessous, voy. la page consacrée aux recueils de traités
La présente fiche a été réalisée dans le cadre du programme de stage du Céric à la Faculté de Droit et de Science Politique d’Aix-Marseille.
Elle a été conçue par :
Anna Elliott (fiche de contextualisation, illustration, résumé, transcription du texte intégral)
Lisa Lenglart (travail de vérification)
Pr. Romain Le Boeuf (sources, transcription du texte intégral)
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