Traité d’Aix-la-Chapelle, 2 mai 1668
entre la France et l’Espagne
Le traité d’Aix-la-Chapelle du 2 mai 1668 est un traité signé par le Royaume d’Espagne et le Royaume de France sous la médiation de l’Angleterre et des Provinces-Unis. Ce dernier a mis fin à la guerre de Dévolution (1667-1668).
La guerre de dévolution est le premier conflit du Roi Soleil, Louis XIV. Ce conflit porte sur la succession de Philippe IV, Roi d’Espagne. Prétendant aux terres en tant que gendre du défunt roi Philippe IV, Louis XIV revendique un droit de succession sur le Royaume d’Espagne grâce à son épouse, Marie-Thérèse, fille de Philippe IV, et en vertu d’un traité de droit de dévolution.
Le Royaume de France revendique l’ensemble de la Franche-Comté, une partie des Pays-Bas, le duché de Luxembourg, le duché de Barbant et une partie de la Flandre. La Couronne d’Espagne refuse les droits de provinces du Roi de France. Par conséquent, Louis XIV lance une offensive en mai 1667 et annexe la campagne des Flandres et de Franche-Comté. Lille est incorporée en août 1667.
Confrontées à l’agression et à la menace française, les Provinces-Unies (les Pays-Bas) forment une triple alliance à La Haye avec l’Angleterre et la Suède.
Le Royaume de France, confronté à cette alliance, signe le traité de paix à Aix-la-Chapelle en mai 1668. Le traité impose un rendu de la France-compté au royaume d’Espagne. Le traité prévoit la restitution de la Franche-Comté au royaume d’Espagne. La France conserve les autres territoires conquis.
Traité de Paix entre les Couronnes de France & d’Espagne. Conclu à Aix-la-Chapelle le 2. jour de May 1668. [Freder. LEONARD. Tom. XIV. d’où l’on a tiré cette Pièce, qu’on trouve aussi dans le Theatrum Pacis, Tom. II. en Latin, en Allemand, & en Français; dans les Lettres & Memoires du Comte d’Estrades, Tom. IV. pag. 351 ; dans le Theatrum Europ. Tom. X. pag. 762. en Allemand; & dans GASTELIUS, de Statu publico Europæ Novissimo. pag. 164. en Allemand.]
Louis, par la grace de Dieu, Roy de France & de Navarre: A tous ceux qui ces presentes Lettres verront, Salut. Comme en vertu des Pouvoirs respectivement donnés par Nous à nostre cher & bien-amé Conseiller en nos Conseils & Etat & Privé , Maitre des Requêtes ordinaire de nostre Hotel, & noftre Ambassadeur extraordinaire, le Sieur Colbert: Et par tres-haut, tres-excellent, & tres-puisiant Prince le Roy Catholique des Espagnes, notre tres-cher & tres-amé bon Frere, Beau-Frere & Cousin; & par tres-haute, Très excellente et très puissante Princesse la Reine Catholique des Espagnes, notre très chère et très aimée sœur et cousine, en sa qualité de tutrice, curatrice et gouvernante des royaumes et états dudit Roi notre frère, au Marquis de Castelrodrigo, capitaine et gouverneur général pour notredit Frère aux Pays-Bas, par ledit Marquis de Castrorodrigo, au Baron de Bergeik, qu’il a délégué en son lieu et place pour traiter la paix : Lesdits Seigneurs Colbert et Baron de Bergeik, ayant dans la Ville Impériale d’Aix-la-Chapelle, le deuxième du présent mois de Mai, conclu, arrêté, & signé le Traité de Paix & de reconciliation, dont la teneur s’ensuit.
Au nom de Dieu le créateur : à tous, présents et à venir foit notoire, Comme par l’autorité & les soins paternels de notre Très Saint Père, le Pape Clément IX, qui règne heureusement sur le Saint-Siège pour le bon de notre Mère Sainte Église, et par les continuelles exhortations et très instances de Sa Béatitude, tant par plusieurs et diverses lettres écrites de sa main, qu’envois & Negociations de son propre Neveu, aujourd’hui Cardinal Rospigliosi, et de ses Nonces extraordinaires, Très Haut, Très Excellent et Très Puissant Prince Louis, par la grâce de Dieu, Roi Très Chrétien de France et de Navarre : Et tres- haut, tres-execellent, & tres-puiffant Prince Charles second, par la grace de Dieu ROy Catholique des Espagnes : et tres-haute, tres excellente, et très-puissante Princesse Marie Anne d’Autriche, Reine Catholique des Espagnes, sa Mere, comme Tutrice, Curatrice, & Gouvernante de ses Royaumes & Etat, seraient convenus & tombés d’accord de choisir la Ville Imperiale d’Ax la-Chapelle, pour y traiter de Paix, par l’entremise du Pleniporentiaire de la Sainteté; comme aussi des ministres d’autres rois, potentats, électeurs et princes du Saint Empire, qui ont admirablement employé leurs soins et leurs offices pour mener à bien cette grande affaire. Et comme pour y parvenir, ledit Seigneur Roi Très Chrétien a donné plein pouvoir au Sieur Colbert, conseiller en tous ses conseils, maître des requêtes ordinaires de son hôtel, et son ambassadeur extraordinaire, et ledit Seigneur Roi Catholique a donné plein pouvoir au Sieur Marquis de Castrorodrigo, Capitaine et Gouverneur Général des Pays-Bas, qui, en vertu de son pouvoir, a délégué le Sieur Baron de Bergeik, chevalier de Ordre de Saint Jacques, Conseiller au Conseil Suprême de Flandres, & de ses Conseils d’État & Finances, lesquels Sieurs Colbert & Bergeik, en vertu de leursdits Pouvoirs & subdélégation, reconnus de part & d’autre pour suffisants, ont accordé, établi & arrêté les Articles qui s’ensuivent.
ART. 1 – Il est convenu & accordé, que l’avenir il y aura bonne, ferme, & durable Paix, Confédération, & perpétuelle Alliance & amitié entre les Rois Très-Chrétiens & Catholique,-leurs Enfants nés & à naître, leurs Hoirs, Successeurs & Héritiers, leurs Royaumes, États, Pays & Sujets; qu’ils s’aimeront comme bons Frères, procurant de tout leur pouvoir le bien, ’honneur & réputation l’un de l’autre,- & évitant de bonne foi tant qu’il leur sera possible le dommage l’un de l’autre.
ART. 2 – Ensuite de cette bonne réunion, aussitôt que les Ratifications du présent Traité auront été échangées, la Paix entre lesdits Seigneurs Rois sera publiée, & dès l’instant de ladite Publication il y aura Cessation de toutes entreprises de Guerre, & de tous actes d’hostilité, tant par Mer & autres Eaux que par Terre, & généralement en tous lieux que la Guerre se fait par les Armes de Leurs Majestés tant entre leurs Troupes & Armées, qu’entre les Garnisons de leurs Places: & que s’il était contrevenu à ladite Cessation par prise de Place, ou Places, soit par attaque, ou par surprise, ou par intelligence secrète, & même s’il se faisait des Prisonniers, ou autres actes d’hostilité par quelque accident imprévenu, ou de ceux qui ne se peuvent prévenir, contraires à ladite Cessation d’Armes, la contravention sera réparée de part & d’autre de bonne foi, sans longueur ni difficulté, restituant sans aucune diminution ce qui aurait été occupé, & délivrant les Prisonniers sans rançon, ni paiement de dépense.
ART. 3 – En contemplation de la Paix, le Roi Très-Chrétien retiendra, demeurera saisi, & jouira effectivement de toutes les Places, forts & Postes, que ses Armes ont occupées ou fortifiées pendant la Campagne de l’année passée: A savoir, de la Forteresse de Charleroy, des Villes de Binch, & d’Atthe, des Places de Douai, le Fort de Scarpe compris, Tournai, Oudenaarde, Lille, Armentières, Courtrai, Bergues & Furnes, & toute l’étendue de leurs Bailliages, Châtellenies, Territoires, Gouvernances, Prévôtés, appartenances, dépendances et annexe, de quelque nom qu’elles puissent être appellées.
ART. 4 – Lesdits Lieux, Villes & Places de Charleroy, Binch, Atthe , Douai, Fort de Scarpe, Tournai, Oudenarde, Lille, Armentieres, Courtray, Bergues & Furnes, leurs Bailliages, Chatellenies, Gouvernances, Prévôtés, Territoires, Domaines, Seigneuries appartennance, dépendance et annexe,de quelque nom qu’elles puissent être appellées, demeureront par le présent Traité de Paix au Seigneur Roi Très-Chrétien, et à ses Successeurs et ayant-cause, pour toujours, de manière non révoquable ; avec les mêmes Droits de Souveraineté, Propriété, Droits de Régale, Patronage, Garde, Juridiction, Nomination, Prérogatives et Prééminences sur les Evêchés, Eglises, Cathédrales, et autres Abbayes, Prieurés, Dignités, Cures, et autres Bénéfices quelconques se trouvant dans l’étendue desdits Pays, Places, et Bailliages cédés, de quelque Abbaye que lesdits M page 2 Prieurés soient mouvants & dépendances et tous autres Droits qui ont ce-devant appartenu au Roi Catholique ; encore qu’ils ne soient ici particuliairement énoncés ; sans que Sa Majesté Très-Chrétienne puisse être à l’avenir troublée ni diminuée par quelque voie que ce soit, de droit ni de fait, par ledit Seigneur Roi Catholique, ses successeurs, ou aucun prince de sa maison, ou par qui que ce soit, ou sous quelque prétexte ou occasion qui puisse arriver en ladite souveraineté, propriété, juridiction, ressort, possession et jouissance de tous lesdits pays, villes, places, châteaux, terres, seigneuries, prévôtés, domaines, chatellenies et bailliages, ensemble de tous les lieux et autres choses qui en dépendent. Et pour cet effet, ledit Seigneur Roi Catholique, tant pour lui que pour ses hoirs, successeurs et ayants cause, renonce, quitte, cède et transporte, comme son plénipotentiaire en son nom par le présent Traité de Paix irrévocable, a renoncé, quitté, cédé et transporté perpétuellement et à jamais, en faveur et au profit dudit Seigneur Roi Très-Chrétien, ses hoirs, successeurs et ayants cause, tous les droits, actions, prétentions, droits de régale, patronage, gardienneté, juridiction, nomination, prérogatives et prééminences sur les évêchés, églises cathédrales, et autres abbayes, prieurés, dignités, cures, et autres quelconques bénéfices étant dans l’étendue desdits pays, places, et bailliages cédés, de quelques abbayes que lesdits prieurés soient mouvants et dépendants, et généralement sans rien retenir ni réserver, tous autres droits que ledit Seigneur Roi Catholique, ou ses hoirs et successeurs ont et prétendent, pour quelque cause et occasion que se soit sur lesdits pays, places, châteaux, forts, terres, seigneuries, domaines, châtellenies et bailliages, et sur tous les lieux en dépendants, comme dits constitutions faites au contraire, même qui auraient été confirmées par serment, auxquelles et aux clauses dérogatoires des dérogatoires, il est expressément dérogé par le présent Traité, pour cesser desdites renonciations et cessions, lesquelles vaudront et auront lieu, sans que l’expression ou spécification particulière déroge à la générale, ni la générale à la particulière, et excluant à perpétuité toutes exceptions, sous quelque droit, titre, cause, ou prétexte qu’elles puissent être fondées. Déclare, consente, veut et entend ledit Seigneur Roy Catholique, que les Hommes, Vasseaux, & Sujets de ces Pais, Villes & Terres cédées à la Couronne de France, comme il est dit ci-dessus, soient & demeurent quittes & absous dès à présent & pour toujours, des Foy; Hommage, Service, & Serment de fidélité qu’ils pourraient tous & chacun d’eux lui avoir fait, & à ses Prédécesseurs Rois Catholiques, ensemble de toute Obéissance, Sujetion & Vassalage, qu’ils pourraient lui devoir; Voulant ledit Seigneur Roy Catholique que lesdits Foy, Hommage, & Serment de fidélité demeurent nuls & de nulle valeur, comme s’ils n’avaient jamais été faits ni restés.
ART. 5 – Ledit Seigneur Roi Très-Chrétien aussitôt après la Publication de la Paix, retirera ses Troupes des Garnisons de toutes les Places, Villes, Châteaux, & Forts du Comté de Bourgogne vulgairement appelé la Franche Comté, & restituera réellement, effectivement & de bonne foi à Sa Majesté Catholique, toute ladite Comté de Bourgogne, sans y rien réserver ni retenir.
ART. 6 – Ledit Seigneur Roi Très-Chrétien fera aussi restituer audit Seigneur Roi Catholique, toutes les Places, Forts, Châteaux, & Postes que ses Armes ont ou pourraient avoir occupé jusqu’au jour de la Publication de la Paix, en quelque lieu qu’elles soient situées, à l’exception des Places & Forts qui doivent demeurer par le présent Traité à Sa Majesté Très-Chrétienne, ainsi qu’il a été dit ci-dessus. De même, Sa Majesté Catholique fera restituer à Sa Majesté Très-Chrétienne, toutes les Places, Forts, Chateaux, & Postes que ses Armes pourraient avoir occupé jusqu’au jour de la Publication de la Paix, en quelque lieu qu’elles soient situées.
ART. 7 – Leurs Majestés consentent que tous les Rois, Potentats, & Princes qui voudront bien entrer dans un pareil engagement, puissent donner à leurs Majestés leurs promesses & obligations de garantie, d’exécution de tout le contenu au présent Traité.
ART. 8 – Il est convenu, accordé & déclaré, qu’on n’entend rien révoquer du Traité des Pyrénées, page 3 (à l’exception de ce qui regarde le Portugal, avec lequel ledit Seigneur Roi Catholique a depuis fait la Paix) qu’entant qu’il en aura ellé autrement disposé en celui-ci par le session des places fusdites, sans que les Parties y aient acquis aucun nouveau droit, ou puissent reçevoir aucun préjudice sur leurs prétentions respectives, en troutes les choses dont il n’est point fait mention expressement par le présent Traité.
ART. 9 – Et pour plus grande sûreté de ce Traité de Paix, & de tous les Points & Articles y contenus, sera Le dit présent Traité publié, vérifié, & enregistré en la Cour de Parlement de Paris, & en tous autres Parlements du Royaume de France,& Chambre des Comptes dudit Paris. Comme semblablement ledit Traité sera vérifié, publié & enregistré tant au Grand Conseil, & autres Conseils & Chambres des Comptes dudit Seigneur Roi Catholique aux Pays-Bas, qu’aux autres Conseils des Couronnes de Castille & d’Aragon ; le tout suivant & en la forme contenu au Traité des Pyrénées de l’an 1659, dont seront baillées les expéditions de part & d’autre dans trois mois après la publication du présent Traité.
Lesquels Points & Articles cy-dessus énoncés, ensemble tout le contenu en chacun d’eux, ont été traités, accordés, passés & stipulés entre lesdits Plénipotentiaires desdits Seigneurs Rois Très-Chrétien & Catholique, au nom de leurs Majestés ; Lesquels Plénipotentiaires, en vertu de leurs Pouvoirs respectifs, ont promis & promettent sous obligation de tous & chacuns les Biens & États présents & à venir des Rois leurs Maîtres, qu’ils feront par leurs Majestés inviola blement observés & accomplis, & de les faire ratifier purement & simplement sans y rien ajouter, & de fournir les Ratifications par Lettres authentiques & scellées, ou tout le présent Traité sera inséré de mot à autre dans le dernier jour du mois de Mai inclusivement: A savoir, Sa Majesté Très-Chrétienne à Bruxelles, entre les mains du Gouverneur de Flandres ; & Sa Majesté Catholique à. Saint-Germain-en-Laye, entre les mains dudit Seigneur Roi Très-Chrétien, & Lettres de Ratification ayant été fournies, ledit Seigneur Roi Très-Chrétien le plus tôt qu’il se pourra, & en présence de telle personne ou personnes qu’il plaira personnellement sur la Croix, Saints Évangiles, Canons de la pleinement, réellement & de bonne foi, tout le contenu aux Articles du présent Traité. Et de même sera fait aussi le plus tôt qu’il sera possible par ledit Seigneur Roi Catholique, & la Reine Régente sa Mère, en présence de telle personne ou personnes qu’il plaira audit Seigneur Roi Très-Chrétien de désigner. En témoignage des quelles choses, lesdits Plénipotentiaires ont souscrit le présent Traité de leurs noms, & fait apposer le Cachet de leurs Armes. Fait dans la Ville Impériale d’Aix-la-Chapelle, le deuxième jour du mois de Mai de l’année 1668. Signé, CHARLES COLBERT:
Et au nom de sa Sainteté & desdits Électeurs & Princes du Saint Empire ; ont pareillement souscrit le présent Traité de leurs noms, & fait apposer le Cachet de leurs Armes: Signé, AUGUSTIN FrancioTmi, Archevêque de Trebisonde, Plénipotentiaire de sa Sainteté Le BARON DE SCHENEBORN, au nom de son Altesse Électorale de Mayence. FRANÇOIS Baron DE FURSTENBERG, au nom de son Altesse Électorale de Cologne. Et le CHEVALIER SEMI-SING, au nom de son Altesse de Munster.
Nous, ayant le Traité susdit agréable en tous & chacun les Points & Articles qui y sont contenus & déclarés, avons icelui tant pour Nous que pour nos Héritiers, Successeurs, Royaumes, Pays, Terres, Seigneuries & Sujets, accepté, approuvé, ratifié & confirmé, acceptons, approuvons, ratifions & confirmons, & le tout promettons en foi & parole de Roi, & sous l’obligation & hypothèque de tous & chacun nos Biens présents & à venir, garder, observer inviolablement, sans jamais aller ni venir au contraire, directement ou indirectement en quelque sorte & manière que ce soit. En témoin de quoi Nous avons signé ces présentes de notre main, & à icelles fait apposer notre Sceau. Donné à St. Germain en Laye le 26e jour de Mai l’an de grace 1668. & de notre Regne le vingt-sixième. Signé, LOUIS. Et plus bas. De Lionne.
Le texte du traité est publié in
| 2,8 Mo Dumont, t. VII, part. 1, n° XXXV, pp. 89-90Pour les références bibliographiques des recueils mentionnés ci-dessous, voy. la page consacrée aux recueils de traités
La présente fiche a été réalisée dans la cadre du programme de stage du CERIC à l’Université d’Aix-Marseille.
Elle a été conçue par :
MB (fiche de contextualisation, illustration, résumé, correction du texte intégral)
Marie Albano (validation, mise en ligne)
Pr. Romain Le Boeuf (sources, transcription du texte intégral)
Crédits image : wikipedia – Charles Lebrun