1700, 13 juin, Traité de Constantinople

Traité de Constantinople, 13 juin 1700

entre l’Empire Ottoman et la Russie

Le TraitĂ© de Constantinople du 13 juin 1700 est un traitĂ© signĂ© entre l’Empire ottoman et la Russie. Il met fin Ă  la guerre russo-turque de 1686 Ă  1700.

Le traitĂ© de paix de Constantinople a Ă©tĂ© ratifiĂ© le 13 Juin 1700 suite Ă  la seconde guerre russo-turque (1686 – 1700). Ce traitĂ© met un terme Ă  une pĂ©riode de conquĂȘtes territoriales entamĂ©es par la Russie. La Turquie a du faire allĂ©geance Ă  la Russie en lui cĂ©dant plusieurs de ses territoires dont la ville d’Azov, ce qui reprĂ©sente un enjeu politique majeur. Pierre le Grand, tsar de Russie, a indexĂ© la base navale de Taganrog tout en installant un ministĂšre permanent Ă  Azov. Cependant le tsar refusera de continuer Ă  payer le tribut annuel au khan de CrimĂ©e.

Ce traitĂ© marque l’impĂ©rialisme de l’armĂ©e Russe qui aprĂšs, des annĂ©es de conquĂȘtes et de guerres perdues, rĂ©ussi Ă  s’installer sur un sol Ă©tranger. Enfin, cela a permis Ă  la Russie d’assouvir sa lĂ©gitimitĂ© militaire sur la scĂšne europĂ©enne tout en privant la Turquie de ses endroits gĂ©opostratĂ©giques majeurs.

A – LES Guerres

Traité de Paix entre la Russie et la Turquie, signé à Constantinople, le 13 juin 1700

Note : Certaines parties du texte étaient illisibles et ont été approximativement reconstituées pour faciliter la compréhension.
La version française prĂ©sentĂ©e ici est reproduite d’aprĂšs Noradounghian, Recueil d’Actes Internationaux de l’Empire Ottoman, vol. I, p. 197, oĂč il est mentionnĂ© qu’une version turque en 14 articles est imprimĂ©e dans Medjmouai, Recueil des TraitĂ©s Ottomans, vol. III, p. 209. Les TraitĂ©s Turcs de Hertslet, p. 753, reproduit un extrait de Schoell, Histoire AbrĂ©gĂ©e des TraitĂ©s de Paix. page 2

FRENCH VERSION

ART. 1 – Il sera complĂštement mis fin aux hostilitĂ©s rĂ©sultant de la guerre qui a Ă©clatĂ©, par l’ordre de Dieu, entre les deux pays ; et comme, par suite de la paix qui vient d’ĂȘtre conclue pour l’avenir, les actes d’inimitiĂ© commis de part et d’autre seront vouĂ©s Ă  l’oubli le plus absolu dans le terme fixĂ© sans qu’on puisse aucunement en tirer vengeance, les deux États respecteront scrupuleusement les conditions de la paix et auront soin de ne pas porter atteinte Ă  leur repos et bien-ĂȘtre mutuels et d’entretenir rĂ©ciproquement des rapports d’amitiĂ© et de bonne intelligence. De mĂȘme, les sujets respectifs des deux États se traiteront aussi en amis, auront une bonne opinion les uns des autres, se voudront du bien et se traiteront avec amitiĂ©.
Si, Ă  l’expiration du terme fixĂ©, ou mĂȘme Ă  la moitiĂ© de ce terme, les deux parties dĂ©sirent la prolongation de la trĂȘve, on en conviendra de nouveau d’un commun accord et avec bonne volontĂ© ; et les articles convenus en commun entre les deux parties pour ledit terme seront maintenus dans toutes leurs clauses sans aucune altĂ©ration, soit entre nous pendant notre rĂšgne, soit entre nos successeurs et hĂ©ritiers, et ils seront de mĂȘme observĂ©s par nos sujets respectifs.

ART. 2 – Les chĂąteaux de Toghan, de Ghazi-kerman, de Schahin-kerman et de Noussret-kerman, situĂ©s sur le Dnieper, seront dĂ©molis et leurs territoires seront restituĂ©s par le Czar de Russie Ă  la Sublime Porte, qui les possĂ©dera comme avant la prĂ©sente guerre, Ă  la condition de n’y plus reconstruire de chĂąteaux ni d’habitations.
La démolition desdits chùteaux sera effectuée sans aucun retard dans le terme de 30 jours aprÚs les ratifications dont sera porteur un Ambassadeur.page 3
Les troupes, officiers et soldats, du Czar de Russie qui se trouvent dans lesdits chùteaux en sortiront en toute sécurité avec tous leurs canons, munitions et vivres et se retireront sur leur propre territoire.
À leur sortie et pendant leur voyage chez eux, ils ne seront en aucun cas molestĂ©s ou inquiĂ©tĂ©s ni par les Tatars, ni par qui que ce soit des troupes et des sujets de la Sublime Porte. Mais, de leur cĂŽtĂ© Ă©galement, les troupes russes et cosaques observeront une stricte discipline, soit tant qu’elles seront encore, pour le terme susdit, dans lesdits chĂąteaux, soit lorsqu’elles se seront mises en route aprĂšs les avoir Ă©vacuĂ©es, et elles ne prendront ni n’exigeront rien.

ART. 3 – La Sublime Porte sera autorisĂ©e Ă  Ă©tablir des agglomĂ©rations entourĂ©es de fossĂ©s et de digues appropriĂ©es, pour servir de ports, oĂč que ce soit sur le Dnieper, qui est un passage pour les voyageurs et les marchands, et cela du cĂŽtĂ© situĂ© entre le territoire du chĂąteau de Toghan et le DniĂ©per ; mais ces Ă©tablissment fortifiĂ©s ne devront pas ĂȘtre convertis en chĂąteaux ou forteresses ; il n’y sera pas plaçé des canons, des munitions ni de troupes, et les bĂątiments de guerre d’aucune sorte ne pourront entrer dans lesdits ports.

ART. 4 – La forteresse d’Azof et tous les chĂąteaux anciens ou nouveaux qui en dĂ©pendent, ainsi que leurs territoires et les eaux qui se trouvent netre ces forteresses se trouvant actuellement au pouvoir du Czar de Russie, continueront Ă  ĂȘtre sous sa domination sans aucune contestation.

ART. 5 – Les sujets des deux parties, confiant en la soliditĂ© de la prĂ©sente paix, ne se permettront dĂ©sormais pas de contestation entre eux Ă  cause de quelques fauteurs de dĂ©sordres qui pourraient exister, et les deux parties ayant en vue d’empĂȘcher tous empiĂ©tements quelconques, elles ont convenu de laisser dĂ©sert et inhabitĂ© les 12 lieues de territoire Ă  partir de la forteresse de PĂ©rĂ©kop et de l’extrĂ©mitĂ© du territoire du dĂ©filĂ© de PĂ©rĂ©kop jusqu’à la nouvelle forteresse situĂ©e sur la riviĂšre de Miouch, en-deçà du fort d’Azof. Tout le territoire qui est depuis Vendroit oĂč se trouve la ville de Potkal dans les limites de la Russie du cĂŽtĂ© du DniĂ©per jusqu’à la forteresse d’Oczakow restera inculte et inhabitĂ©, exceptĂ© les nouveaux bourgs; mais on gardera des terrains suffisants dans le voisinage des faubourgs pour des vignes et des jardins. On ne reconstruira plus les chĂąteaux dĂ©molis qui demeureront toujours dĂ©serts. L’une et l’autre partie dĂ©moliront aussi les ChĂąteaux qui se trouveraient sur le territoire que, d’un commun accord, elles ont jugĂ© convenable de laisser dĂ©sert. On n’y construira aucun Ă©difice ni fortification et ce territoire restera toujours dĂ©sert.page 4

ART. 6 – Il sera permis de couper du bois, d’Ă©lever des ruches, de couper des foins, d’Ă©tablir des marais salants, de pĂȘcher et enfin de chasser dans les forĂȘts, sur le DniĂ©per, sur les riviĂšres qui y affluent, sur les terres et riviĂšres converties d’un commun accord en dĂ©sert qui sont situĂ©es entre le chĂąteau de Miouch et l’isthme de PĂ©rĂ©kop, comme aussi dans les endroits voisins de la Mer Noire, Ă  condition d’y venir et d’en partir sans armes, de s’y conduire en bons voisins et d’user de bons procĂ©dĂ©s. Personne ne fera des difficultĂ©s Ă  ceux qui viendront pour profiter de ces avanatges ; l’on n’en exigera ni Badj, ni douane, ni aucun autre droit pareil. Comme la presqu’Ăźle de CrimĂ©e et de l’isthme de PĂ©rĂ©kop sont de terrains pierreux et que les troupeaux passaient de tout temps cette isthme pour aller paĂźtre. ils continueront Ă  le faire comme par le passĂ©, ils jouiront de toute sĂ©curitĂ© et ne seront aucunement molestĂ©s.

ART. 7 – Comme il est nĂ©cessaire que la forteresse d’Azol possĂšde aussi du cĂŽtĂ© opposĂ© un territoire d’une Ă©tendue convenable. un pĂ©rimĂȘtre de 10 heures d’Ă©tendue, selon qu’elles se mesurent ordinairement au pas du che-val, sera assignĂ© Ă  cette forteresse dans la direction du Kouban. Les commissaires des deux parties Ă©viteront toute contestation en sĂ©parant les ter. ritoires des deux États d’aprĂšs la teneur du prĂ©sent article et en en dĂ©limitant les frontiĂšres par des bornes sans laisser lieu Ă  aucune discussion relative Ă  tout ce qui existerait dans ce terrain de dix heures d’Ă©tendue. Les deux parties choisiront, en nombre Ă©gal, des commissaires intelligents et conciliants qui, Ă  l’Ă©poque convenue entre eux. termineront cette affaire dans le plus bref dĂ©lai.
Le reste du territoire demeurera, comme par le passé, sous la domination de la Sublime Porte.
Les Noghais, les Tscherkesses et autres peuples soumis Ă  la Sublime Porte ainsi que leurs bestiaux ne seront point molestĂ©s par les Russes et les Cosaques et autres sujets du Crac de Russie qui frĂ©quentent ces localitĂ©s. De mĂȘme les sujets dudit Czar et leurs bestiaux qui se trouvent dans leter-ritoire assignĂ© Ă  la forteresse d’A2of, ne seront point inquiĂ©tĂ©s par les Tata-les, les NoghaĂŻs, les Tscherkesses, les CrimĂ©ens et autres, et ils se conduiront en bons voisins; tout contrevenant sera sĂ©vĂšrement puni. Ni l’une ni l’antre partie n’Ă©lĂšvera rien qui ait l’air de forteresse, de chĂąteau ou de bourg dans ces localitĂ©s, qui resteront dans leur Ă©tat actuel, et aucune des deux parties ne se permettra d’acte contraire Ă  la paix.

ART. 8 – Les sujets du Czar, tant Russes que Cosaques et autres, s’abstiendront de tout excĂšs au prĂ©judice des habitants de Taman, de CrimĂ©e et des autres confins ottomans.page 5 Les pirates cosaques ne parcourront pas la mer Noire avec leurs barques et bateaux et ne causeront de prĂ©judice Ă  personne. On rĂ©primera sĂ©vĂšrement tout excĂšs de leur part, et s’ils violaient les conditions de la paix et les lois de bon voisinage, ils en seront publiquement et rigoureusement punis.
De mĂȘme, la Sublime Porte enjoindra, moyennant des ordres prĂ©cis, aux autoritĂ©s des frontiĂšres, aux Khans de CrimĂ©e, aux Kalghais, aux Nourreddins et aux autres Sultans, ainsi qu’en gĂ©nĂ©ral Ă  toutes les tribus tatares et Ă  leurs armĂ©es, d’avoir, par suite de leur soumission Ă  la Sublime Porte, de respecter inviolablement les conditions de la prĂ©sente paix en s’abstenant Ă  l’avenir de toute incursion armĂ©e avec plus ou moins de troupes sur les territoires, bourgs, chĂąteaux, villes de la grande et de la petite Russie, et de tout excĂšs contre les sujets russes, contre les villes cosaques situĂ©es sur le DniĂ©per, le Don et autres fleuves, et contre les bourgs, chĂąteaux et toutes les frontiĂšres russes du cĂŽtĂ© d’Azof. Il leur sera de mĂȘme dĂ©fendu de faire des prisonniers, d’enlever leurs bestiaux, de leur causer aucun dommage ni secrĂštement ni ouvertement, et enjoint d’entretenir constamment des rapports de bon voisinage et d’harmonie. S’ils inquiĂ©taient les sujets du Czar et commettaient contre eux des actes d’injustice et de violence, aussitĂŽt qu’on en aura eu connaissance, personne ne les dĂ©fendra et ils seront punis sans misĂ©ricorde d’aprĂšs la loi et la justice.
On recherchera et restituera de part et d’autre aux propriĂ©taires tout ce qui aura Ă©tĂ© l’objet de dĂ©prĂ©dations.
Ceux qui se seront rendus coupables de nĂ©gligence et de dĂ©sobĂ©issance dans ces enquĂȘtes recevront la punition qu’ils ont mĂ©ritĂ©e; Les individus qui prendront Ă  tĂąche de violer les articles et les conditions de cette paix en se livrant Ă  des actes contraires aux ordres Ă©manĂ©s seront sĂ©vĂšrement punis, pour que cela serve d’exemple aux autres. On s’abstiendra absolument durant la trĂȘve convenue de toute action militaire et de toute transgression, et l’on empĂȘchera par des injonctions aussi sincĂšres que prĂ©cises tout acte qui serait incompatible avec la prĂ©sente paix.
ConformĂ©ment Ă  l’ancien usage, les deux parties s’empresseront de faire annoncer sur les frontiĂšres la conclusion de cette heureuse paix et des fermans ordonneront qu’elle soit respectĂ©e jusqu’Ă  la fin de la trĂȘve.
Tout individu qui se rendrait coupable Ă  l’avenir d’une transgression quelconque, sera rigoureusement puni. L’empire de Russie Ă©tant un Ă©tat indĂ©pendant, le Tzar et ses successeurs n’auront pas l’obligation de payer ni pour le passĂ©, ni pour le prĂ©sent, ni pour l’avenir le tribut annuellement donnĂ© jusqu’ici au Khan de CrimĂ©e et aux CrimĂ©ens. Mais de leur cĂŽtĂ© aussi, le Khan de CrimĂ©e, les CrimĂ©ens et les autres peuples page 6 Tatars respecteront la prĂ©sente paix et ne la violeront pas par des demandes de tribut ni sous d’autres prĂ©textes.

ART. 9 – Les prisonniers faits par les deux parties avant la conclusion de la prĂ©sente paix et qui sont restĂ©s dans les lieux de dĂ©tention seront Ă©changĂ©s Ă  la faveur de cette paix et successivement mis en libertĂ© ; et s’il se trouvait un plus grand nombre de prisonniers de marque entre les mains de l’une ou de l’autre Puissance, il sera ultĂ©rieurement permis de solliciter aussi leur Ă©largissement. Ils seront traitĂ©s avec les Ă©gards dus par la dignitĂ© des deux parties et d’une façon convenable Ă  la prĂ©sente paix. Pour le reste des prisonniers qui sont en la possession d’autres personnes et auprĂšs des Tatars, on s’efforcera d’obtenir leur mise en libertĂ© en les rachetant, autant qu’il serait possible et convenable, Ă  des prix justes et modĂ©rĂ©s. Mais s’il devenait impossible d’amener un accord entre les deux parties, on paiera la somme qu’ils auront coĂ»tĂ©e et qui aura Ă©tĂ© constatĂ©e, soit par preuves, soit par serment. Il sera permis de traiter Ă  l’amiable soit du rachat, soit de l’Ă©change des prisonniers faits durant la guerre.
Les juges s’attacheront Ă  mettre d’accord tous les intĂ©ressĂ©s et Ă  vider les contestations qui surgiraient au sujet de l’Ă©largissement de tels prisonniers, et cela d’une maniĂšre convenable et propre Ă  satisfaire les deux parties.
Si, durant le terme de la prĂ©sente paix, on fait des prisonniers sur le territoire du Czar de Russie et qu’on les dĂ©couvre ensuite en CrimĂ©e, dans le Kouban ou dans quelque autre partie des Ă©tats de la Sublime Porte, parmi les Tatars et les Tscherkesses, ils seront Ă©largis et restituĂ©s sans rançon.
Les agents du Czar de Russie qui, munis de sauf-conduits, voyageraient dans les autres pays pour la libĂ©ration des prisonniers Russes, pourront parcourir les Etats ottomans, tant qu’ils se borneront Ă  s’occuper exclusivement de leur mandat ; ils ne seront pas molestĂ©s et ceux qui, contrairement Ă  la loi, recevraient de tels agents et leur causeraient des dommages, ne maqueront pas d’en ĂȘtre punis.
Mais comme l’Ă©largissement des prisonniers qui se sont faits musulmans sera impossible, on devra s’abstenir absolument de chercher Ă  les dĂ©baucher.

ART. 10 – Bien que le rĂ©tablissement des rapports commerciaux dĂ»t ĂȘtre un des fruits de cette paix et qu’il dĂ»t dĂ©velopper la prospĂ©ritĂ© des deux Ă©tats, l’EnvoyĂ© actuel de Russie n’ayant toutefois pas de pleins pouvoirs pour cet objet, on s’est rĂ©servĂ© de nĂ©gocier sur les relations commerciales des deux pays avec l’Ambassadeur que la Cour de Russie en verra, page 7 dans la rĂ©daction des lettres autographes et des autress documents, les titres usitĂ©s.
Ansi, c’est pour que la paix et trĂšve convenue et renouvelĂ©e d’aprĂšs les articles qui prĂ©cĂšdent soit inviolablement respectĂ©e Ă  l’avenir, que le prĂ©sent instrument a Ă©tĂ© Ă©changĂ© entre les parties.

Ecrit dans la lune de Sefer 1112.

Le texte du traitĂ© est publiĂ© in

| 1,4 Mo Parris, vol. 23 pp. 31-37

Pour les références bibliographiques des recueils mentionnés ci-dessous, voy. la page consacrée aux recueils de traités

La prĂ©sente fiche a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e dans la cadre du programme de stage du CERIC Ă  l’UniversitĂ© d’Aix-Marseille.

Elle a été conçue par :

Sabrine Dhahri (fiche de contextualisation, illustration, résumé, correction du texte intégral)

Marie Albano (validation, mise en ligne)

Pr. Romain Le Boeuf (sources, transcription du texte intégral)

Crédits image : Wikipédia