Traité de Zell, 5 février 1679
entre la France et la Suède d’une part, et le Brunswick d’autre part

Le traité de Zell est directement lié à deux grands conflits imbriqués.
Le premier, la guerre de Hollande (1672–1678/1679) constitue le conflit principle. Il opposait la France de Louis XIV (alliée à la Suède) à une coalition formée des Provinces-Unies, du Saint-Empire, de l’Espagne, du Brandebourg, du Danemark-Norvège, et des princes allemands, dont les Ducs de Brunswick-Lunebourg et de Wolfenbüttel.
Après la guerre de dévolution (1667-1668), Louis XIV estimait nécessaire de se débarrasser de la Triple-Alliance de la Haye (1668) et surtout des Provinces-Unies s’il veut continuer à conquérir les territoires espagnols.
Par ailleurs, malgré les tarifs douaniers français protectionnistes de 1664 et 1667, les Hollandais demeuraient de puissants rivaux économiques pour les marchands et industriels français. Une victoire sur la Hollande permettrait de réduire le problème.
L’objectif de Louis XIV était d’affaiblir les Provinces-Unies et renforcer la position française en Europe.
Le deuxième conflit, la guerre de Scanie (1675–1679) était le conflit secondaire mais étroitement lié au premier. Elle opposait la la Suède (alliée de la France) au Danemark-Norvège, au Brandebourg-Prusse, Brunswick-Lunebourg et autres États allemands. Cette guerre a été déclenchée lorsque la Suède attaque les ennemis de la France pour honorer son alliance.
Le traité de Zell est donc un traité de paix entre la France et la Suède d’un côté, et les ducs de Brunswick-Lunebourg et de Wolfenbüttel de l’autre. Il a mis fin aux hostilités entre ces puissances, dans le cadre de la fin générale de la guerre de Hollande et de ses conflits satellites. Il fait partie d’un ensemble de traités, dont le traité de Nimègue (1678, France et Provinces-Unies), le traité de Saint-Germain-en-Laye (1679, France-Suède et Brandebourg), le traité de Fontainebleau (1679).
Traité de Paix entre Louis XIV. Roi de France & Charles XI. Roi de Suede d’une part, & les Serenissimes Ducs de Brunswick Lunebourg, & Wolfenbuttel de l’autre part, le Roi T. C. traitant pour lui, & pour Sa Majesté Suedoise, par le Ministere du Sr. de Rebenac son Envoyé Extraordinaire. A Zell le 26. Janvier 5. Fevrier 1679.
Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France & de Navarre: A tous ceux qui verront ces présentes Lettres, Salut. Comme le Sieur Comte de Rebenac Feuquiere, notre Lieutenant Général dans la Province de Toul, & notre Envoyé Extraordinaire en Allemagne, en vertu des Pleins pouvoirs que Nous Lui avions donnés, aurait conclu, arrêté & signé le 5 du présent Mois de Février en la Ville de Zell, avec les Sieurs de Bernstorff & de Heimbourg, Ministres d’Etat, & Présidents des Conseils de nos très chers & très-aimés Cousins les Ducs George Guillaume, & Rudolphe Auguste, Ducs de Brunswick, & de Lunebourg, pareillement munis de Pleins Pouvoirs de la part desdits Sieurs Ducs, le Traité de Paix, dont la teneur s’ensuit.
Au nom de Dieu le Créateur & de la Sainte Trinité: A tous présents & à venir, soit notoire, que comme Sa Majesté Très-Chrétienne Louis XIV, Roi de France & de Navarre, nonobstant la présente Guerre, a toujours conservé une affection très-particulière pour leurs Altesses Sérénissimes les Seigneurs Ducs George Guillaume & Rudolphe Auguste, Ducs de Brunswick, & de Lunebourg, & toute Leur Sérénissime Maison ; & L. A., des sentiments pleins de respect & de vénération pour un si grand Monarque, avec une envie extrême de mériter quelque part dans l’amitié & les bonnes grâces de Sa Majesté ; aussi-bien que de contribuer tout ce qui pourrait dépendre d’elles au repos de l’Empire, & pour finir la Guerre qui depuis quelque temps l’a affligé, surtout Sa Majesté Très-Chrétienne elle-même, quoique les Princes & Puissances qui ont été en Alliance avec L. A. eussent conclu leurs Traités particuliers séparément, n’en faisant pour cela paraître moins de bonté & de disposition favorable pour les Seigneurs Ducs… Et c’est en cette veuë que L. A. S, ayant appris avec beaucoup de joie & de reconnaissance ce, que Sa Majesté Très-Chrétienne avait donné Pleins Pouvoirs & Commission au Sieur Comte de Rebenac, son Lieutenant Général dans la Province de Toul, & son Envoyé Extraordinaire & Plénipotentiaire, de traiter & conclure, non seulement de sa part avec L. A., mais aussi de contribuer à leur accommodement avec Sa Majesté, le Roi & la Couronne de Suède ; ayant dès aussi-tôt de leur côté donné Pleinpouvoir & Commission aux Sieurs de Bernstorff & Heimbourg, leurs Ministres d’Etat, & Présidents de leurs Conseils, d’entrer en conférence avec le Sieur Comte de Rebenac, & d’arrêter, conclure, & signer avec lui des conditions de la Paix: il est arrivé qu’après une réciproque communication de Pleins Pouvoirs, dont à la fin de ce Traité les Copies sont insérées de mot en mot, on soit convenu & tombé d’accord des deux côtés des conditions de Paix en la teneur qui ensuit.
Art. 1 – Il y aura une Paix sincère & inviolable envers Leurs Majestés & les Couronnes de France & de Suède & leurs Successeurs, & L.A. de Brunswick & Lunebourg, Zell & Wolfenbutel, leurs Successeurs & toute la Sérénissime Maison.
Art. 2 – Il y aura de part & d’autre un perpétuel oubli, & Amnistie générale de tout ce qui s’est fait & passé depuis le commencement de la présente Guerre en quelque lieu & manière que ce soit: & dans cette Amnistie seront même aux instants prières de L.A. expressément compris, tous ceux qui ont servi L.A, durant la Guerre, en quelque emploi que ce puisse être; nonobstant qu’ils soient Sujets ou Vassaux des deux Couronnes, & en particulier des Duchez de Brême & Verden, ou qu’ils les aient servis ci-devant, de manière que l’on ne pourra faire aucune recherche contre eux, ni les inquiéter, & s’en prendre à leurs personnes ou Biens, par voie de fait ou de Justice, & pour quelque cause ou prétexte que ce puisse être.
Art. 3 – On fera cesser tous actes d’hostilités de part & d’autre entre Sa Majesté Très-Chrétienne, ses Alliés, & spécialement la Couronne de Suède, & L.A. les Seigneurs Ducs, immédiatement après l’échange des Ratifications du présent Traité, aussitôt que par Sa Majesté & L.A, Sérénissimes, ou leurs Plénipotentiaires respectifs , en pourront être avertis les Généraux & Commandants des Troupes & Armées des deux côtés.
Art. 4 – Et parce que le Traité de Paix conclu à Münster & Osnabrück le 24. Octobre 1648 doit toujours être le fondement le plus solide de la Paix & de la tranquillité de l’Empire, les deux Couronnes & L.A. le mettent encore pour règle de celle qu’ils font entre elles avec obligation réciproque de contribuer tout ce qui dépend de l’un ou de l’autre pour conserver ladite Paix de Westphalie en son entière vigueur, sans faire préjudice pourtant à la Neutralité que la Sérénissime Maison de Brunswik Lunebourg gardera dans la présente Guerre.
Art. 5 – Et pour affermir d’autant plus la Paix de Westphalie, le Roi & la Couronne de Suède consentent & s’obligent, qu’en ce qui regarde le Cercle de la Basse-Saxe, & ses États, qui sont compris dans ce Traité de Paix, Sa Majesté ne prétendra à la Paix générale qui se fera ; que le rétablissement des affaires dans l’état où elles doivent être par les Traités de la Paix de Westphalie, & ne demandera rien qui y soit conforme, & dû à la Couronne en vigueur dudit Traité.
Art. 6 – Promettent et s’engagent L. A. de rendre & restituer de bonne foi au Roi & la Couronne de Suède le Duché de Brême, en tant qu’elles s’en trouvent en possession, & généralement ce qui en dépend, sans exception, aussi-tôt que la paix sera faite, & que ledit Seigneur Roi de Suède se jugera en état de l’occuper, & garder par ses propres forces.
Art. 7 – Promettent L. A. d’observer pendant le cours de la présente guerre une exacte Neutralité, & de ne point assister directement ni indirectement les Ennemis des deux Couronnes.
Art. 8 – Promettent Leurs Majestés de France & de Suède de ne point faire entrer ni passer leurs Troupes & Armées dans & par les Païs & Terres qui appartiennent à L. A. ou à sa Sérénissime Maison de Brunswik & Lunebourg, laquelle de son côté n’accordera point lesdits passages, tant que la présente guerre dure, à ceux qui sont ou seront Ennemis des deux Couronnes.
Art. 9 – Les Seigneurs Rois de France & de Suède sur la prière qui leur en a été faire par L. A. promettent de les assister dans la Garantie qu’elles ont à donner aux Ducs de Meklembourg & Saxe-Lavenbourg, L’Évêque de Lubek, aux Comtez de Lippe & de Schwartzbourg, et Villes de Lubek & Hambourg, & à l’égard des prétentions que font ou pourraient faire contre lesdits Princes & Etats, le Roi de Danemark & l’Électeur de Brandebourg, sous prétexte de certaines assignations obtenues pendant la guerre ; Leurs Majestés employeront leurs offices les plus efficaces à la Paix qu’ils feront avec Sa Majesté Impériale, & où il sera nécessaire, pour que lesdites assignations soient entièrement abolies, & les Princes & Etats susmentionnés pour telle cause, point troublez ou inquiétez à l’avenir.
Art. 10 – Les deux Couronnes garantiront la Sérénissime Maison de Brunswik Lunebourg de tout dommage & préjudice qui lui pourrait être fait à cause & à l’occasion de cette Paix, sous quelque prétexte que ce puisse être, & l’assisteront en cas qu’elle fût attaquée de qui que ce soit, six semaines après la réquisition, ou plus tôt, si faire se peut, des forces convenables au danger.
Art. 11 – Son Altesse le Seigneur Duc Ernest Auguste Prince d’Osnabruk jouira pour elle & ses Etats de cette Paix, & des conditions susdites, tout de même comme si elle eut concouru au présent Traité, conjointement avec leurs Altesses son Frère & Cousin, à condition que son Altesse fournisse sa Ratification contre celle du Roi Très-Chrétien, trois semaines après que l’échange en aura été fait entre ledit Seigneur Roi & leurs Altesses susmentionnées.
Art. 12 – Consentent les Couronnes à la prière qui leur a été faite, que de cette Paix & de son effet ne jouïront pas seulement la Sérénissime Maison de Brunswick – Lunebourg, & ceux qui lui appartiennent; mais de plus tous les États du Cercle de la Basse-Saxe: à l’exception de ceux qui sont & seront actuellement en Guerre contre les deux Couronnes. En particulier seront compris les Villes de Lubek, Bremen, Hambourg, aussi bien à l’égard de leur propre seureté, que de celle de leurs Commerces ; à condition pourtant qu’elles reçoivent & donnent toute seureté aux Agents & Ministres des Rois, comme avant la Guerre, & que lesdits États ne s’opposent, ni à Ratisbonne, ni autre part, au rétablissement de la Paix de Westphalie.
Art.13 – Sa Majesté Très-Chrétienne se veut obliger en vigueur de cette Déclaration de fournir & procurer l’agrément de ce présent Traité, & tout ce qui y est contenu de Sa Majesté , le Roi & la Couronne de Suède, & d’en obtenir la Ratification en bonne & duë forme, dans le temps de trois mois, à compter du jour de la signature , ou plutôt si faire se peut; & avant que ladite Ratification soit délivrée aux mains de leurs Altesses elles ne seront point obligées de rendre le Païs de Bremen: de quoi Sadite Majesté TrèsChrétienne demeure garante, de même que de tout ce qu’en vigueur du présent Traité a été accordé a leurs Altesses & toute la Sérénissime Maison de Brunswik-Lunebourg.
Art. 14 – Les deux Couronnes feront comprendre le présent Traité en celui qu’elles feront avec Sa Majesté Imperiale & l’Empire, afin qu’il ait le même effet, & que la Sérénissime Maison de Brunswik-Lunebourg y trouve la même seureté, comme si elle avait conclu conjointement avec S. M. Imperiale.
Art. 15 – Le présent Traité sera ratifié & approuvé de Sa Majesté Très-Chrétienne & de leurs Altesses les Seigneurs Ducs & les Ratifications en bonne forme, échangées à Zell, en quatre semaines, à compter du jour de la signature, ou plutôt si faire se peut.
En foi de quoi Nous Envoyés Extraordinaires & Plénipotentiaires de Sa Majesté Très-Chrétienne & de leurs Altesses de Brunswic-Lunebourg , en vertu de nos Pouvoirs respectifs avons signé ces Présentes, & y fait apposer les cachets de nos Armes. Fait à Zell ce 5 Fevrier 1679. 26, Janvier f.v. S,
Rebenac. (L.S.)
De Bernstorff. (L.S.)
De Heimbourg. (L.S)
Nous ayant agréable le susdit Traité de Paix en tous & un chacun les points qui y sont contenus & declarez, avons iceux tant pour nos Héritiers, Successeurs, Royaumes, Pays, Terres, Seigneuries & Sujets, accepté, approuvé, ratifié & confirmé ; acceptons, approuvons, ratifions & confirmons, & le tout promettons en foi & parole de Roi, sous l’Obligation & hypothèque de tous & un chacun de nos biens présents & à venir, garder & observer inviolablement, sans jamais aller ni venir au contraire, directement ou indirectement, en quelque sorte & manière que ce soit. En témoin de quoi Nous avons signé ces Présentes de notre main, & à icelles fait apposer notre Scel. Donné à Saint Germain en Laye le vingt-deuxième jour de Février l’an de grace mil six cent soixante-dix-neuf, & de notre Règne le trente-sixième. Signé, LOUIS. Et plus bas, Par le Roi, ARNAULD.
Ratification du Duc de Zell du Traité fait avec le Roi de France le 5. Février 1679.
Nous George Guillaume, par la grâce de Dieu, Duc de Brunswik & de Lunebourg : Faisons savoir par ces présentes, qu’ayant donné ordre & pouvoir au Sieur de Bernstorff, notre Conseiller & Ministre d’État, de traiter de notre part conjointement avec le Ministre de Monsieur le Duc Rodolphe Auguste, Duc de Brunswik & de Lunebourg Wolfembutel, sur les conditions de Paix, avec le Sieur Comte de Rebenac, Lieutenant Général de la Province de Toul, & Envoyé Extraordinaire & Plénipotentiaire de Sa Majesté Très-Chrétienne, à cela spécialement Commis & Député: lesquels, en vertu de leurs Pleins Pouvoirs, étant convenus le cinquième du Mois de Février passé, d’un Traité de Paix selon les Articles suivants.
Au Nom de Dieu.
Lequel Traité, & Articles ayant vu & examiné, Nous les avons tous & chacun d’iceux séparément, tant pour Nous que pour nos Héritiers, Successeurs, États, Païs, Terres, Seigneuries & Sujets, agréés, approuvés, & ratifiés, & les agréons, approuvons & ratifions par les Présentes signées de notre main. Promettons en foi & parole de Prince, de garder & observer le tout inviolablement, sans y contrevenir directement ni indirectement, ni souffrir que de notre part il y soit contrevenu de quelque manière que ce soit. En témoignage de quoi nous avons fait mettre notre Scel à ces Présentes.
Fait à Zell le 14. Mars 1679. Signé, GEORGE GUILLAUME. De par son Altesse Sérénissime De BERNSTORFF.
Pleinpouvoir du Sieur Comte de Rebenac Feuguiere.
Le Roi ayant toujours conservé une estime particulière, même au milieu de la Guerre, pour Monsieur le Duc de Zell; & Sa Majesté étant informée du désir que ce Prince a fait paraître en diverses occasions, & dont il témoigne encore être touché à cette heure, de se voir en état par la Paix, qui est sur le point de se rendre générale dans l’Europe, de lier à l’avenir une étroite & sincère Alliance avec elle: Sa Majesté qui ne souhaite pas avec une moindre affection de pouvoir compter ce Prince au nombre de ses plus particuliers Amis & Alliés, & de contribuer même à son accommodement avec le Roi & la Couronne de Suède, se porte volontiers à entrer avec lui dans la discussion.
Le texte du traité est publié in
| 2,9 Mo Dumont, t. VII, part. 1, n° CLXXXII, pp. 391-392
Pour les références bibliographiques des recueils mentionnés ci-dessous, voy. la page consacrée aux recueils de traités
La présente fiche a été réalisée dans la cadre du programme de stage du Céric à la Faculté de Droit et de Science Politique d’Aix-Marseille.
Elle a été conçue par :
Anna Elliott (fiche de contextualisation, illustration, résumé, transcription du texte intégral)
Lisa Lenglart (travail de vérification)
Pr. Romain Le Boeuf (sources, transcription du texte intégral)
Crédits image : Hérodote.net