Traité de Tétouan, 26 avril 1860
entre l’Espagne et le Maroc

Le traité de Wad-Ras, signé à Tétouan le 26 avril 1860 marque la fin de la guerre hispano-marocaine qui avait éclaté quelques mois plus tôt entre le royaume d’Espagne et l’Empire chérifien. Ce conflit trouve son origine dans des tensions autour des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, fréquemment attaquées par des tribus marocaines.
Après plusieurs affrontements, l’armée espagnole remporte une victoire décisive à la bataille de Tétouan et occupe la ville. Le traité de paix est signé à Wad-Ras, localité située non loin de Tétouan. Ce texte impose au Maroc des conditions particulièrement sévères : le royaume est contraint de verser une indemnité de guerre considérable, estimée à vingt millions de duros.
En attendant le paiement intégral de cette dette, la ville de Tétouan reste sous occupation espagnole. Le traité accorde également à l’Espagne une extension de ses territoires autour de Ceuta et Melilla, ainsi qu’un droit d’établissement à Santa Cruz de Mar Pequeña, sur la côte atlantique marocaine ; futur point d’ancrage de la présence espagnole à Ifni.
Ce traité constitue un tournant. Il affaiblit durablement le Maroc sur le plan économique, précipitant le recours à l’endettement extérieur, et marque un renforcement significatif de la présence espagnole en Afrique du Nord. Il s’inscrit dans un contexte plus large de pressions européennes sur les États non occidentaux à la fin du XIXe siècle.
Armistice — Espagne et Maroc
Convention d’armistice entre l’Espagne et le Maroc, signée près du campement de Gualdras le 25 mars 1860.
Les bases préliminaires du traité de paix ayant été convenues et signées entre l’Espagne et le Maroc par Léopold O’Donnell, duc de Tetuan, capitaine général en chef de l’armée espagnole en Afrique, et Muley-el-Abbas, calife de l’empire du Maroc et prince de l’Algarbe, à partir de ce jour cessera toute hostilité entre les deux armées, le pont de Buseja devant être la ligne qui divisera les deux armées.
Les soussignés donneront dans ce sens les ordres les plus péremptoires à leurs armées respectives, châtiant sévèrement quiconque y contreviendrait. Muley-el-Abbas s’oblige à empêcher les hostilités des Kabyles, et si par hasard ils en commettaient malgré lui, il autorise l’armée espagnole à les châtier, sans que pour cela il soit entendu que la paix ait été altérée.
Le 25 mars 1860.
Léopold O’Donnell, Muley-el-Abbas.
XCIV.
Traité de paix entre l’Espagne et le Maroc, signé à Tétuan, le 26 avril 1860
Au nom du Dieu tout-puissant, traité de paix et d’amitié entre S. M. dona Isabelle II, reine des Espagnes, et Sidi-Mohammed, roi de Maroc, Fez, Mequinez, etc. — Les parties contractantes pour Sa Majesté Catholique sont ses plénipotentiaires : D. Luis Garcia y Miguel, chevalier, etc. etc. ; lieutenant général des armées nationales, chef de l’état-major général de l’armée d’Afrique, et D. Tomas de Ligues y Bardaji, majordome de semaine de Sa Majesté Catholique, etc. etc. ; ministre résident et directeur de la politique dans la première secrétairerie d’État ; et pour Sa Majesté Marocaine, ses plénipotentiaires le serviteur de l’empereur, etc., l’avocat el Sid-Mohammed-el-Jetib, et le serviteur de l’empereur, etc., chef de la garnison de Tanger, caïd de la cavalerie, el Sid-el-Hadch-Ajmad Chabli, ben-Abd-el-Melck, lesquels, dûment autorisés, sont convenus des articles suivants :
ART. 1 –
Il y aura paix et bonne amitié perpétuelles entre S. M. la reine des Espagnes et S. M. le roi de Maroc et entre leurs sujets respectifs.
ART. 2 –
Pour faire disparaître les causes qui ont motivé la guerre aujourd’hui heureusement terminée, S. M. le roi de Maroc, animé du désir sincère de consolider la paix, convient d’étendre le territoire appartenant à la juridiction de la place espagnole de Ceuta jusqu’aux lieux les plus convenables pour la sûreté et la Défense complète de sa garnison, ainsi qu’il sera déterminé dans l’article suivant.
ART. 3 –
Afin de mettre en exécution la stipulation de l’article précédent, S. M. le roi de Maroc cède à S. M. la reine des Espagnes, en pleine possession et souveraineté, le territoire compris depuis la mer, en& suivant les hauteurs de Sierra Ballones jusqu’au ravin d’Anghera.
Comme conséquence de ce qui précède, S. M. le roi de Maroc cède à S. M. la reine des Espagnes, pour le posséder en pleine souveraineté, tout le territoire compris depuis la mer, en partant près de la pointe orientale de la première baie de Handaz-Bahma, sur la côte septentrionale de la place de Ceuta, et suivant le ravin ou ruisseau qui y finit, en montant ensuite vers la partie orientale du terrain où est la prolongation du mont du Rénégat, qui suit la même direction sur la côte, se déprime très-brusquement pour finir par un escarpement parsemé de pierres d’ardoises et descend en cotôyant, depuis le passage étroit qui s’y trouve, par le versant des montagnes de Sierra Ballones, où sont situées les redoutes de Isabelle II, Francisco de Asis, Pines, Cisneros et Prince Alfonso, en arabe Uad-Aniat, pour se perdre dans la mer ; le tout formant un arc de cercle qui termine dans la baie du Prince Alfonse, en arabe ad-Aniat, sur la côte sud de la place de Ceuta, ainsi qu’il a été reconnu et déterminé par les commissaires espagnols et marocains, dans la convention passée et signée par eux le 4 avril dernier.
Pour conserver ces limites, il sera établi un camp neutre qui partira des versants opposés du ravin pour aller jusqu’à la cime des montagnes de l’une à l’autre partie de la mer, ainsi qu’il est stipulé dans le même article de la convention mentionnée.
ART. 4 –
Il sera ensuite nommé une commission composée d’ingénieurs espagnols et marocains qui marqueront par des poteaux et bornes les hauteurs indiquées dans l’article 3, en suivant les limites convenues.
Cette opération sera accomplie dans le plus bref délai possible ; mais les autorités espagnoles n’auront pas
besoin d’en attendre la fin pour exercer leur juridiction, au nom de Sa Majesté Catholique, sur ce territoire, lequel, comme tout autre cédé par traité par S. M. le roi de Maroc a Sa Majesté Catholique sera considéré comme soumis à la souveraineté de S. M. la reine d’Espagne depuis le jour de la signature de la présente convention.
ART. 5 –
S. M. le roi de Maroc ratifiera dans le plus bref délai la convention que les plénipotentiaires d’Espagne et ce Maroc ont signée à Tétouan le 24 août 1859. Sa Majesté Marocaine confirme, dès à présent, les cessions territoriales faites par ce pacte international en faveur de l’Espagne, ainsi que les garanties, privilèges et gardes de Maures du roi octroyés au Peñón et Alhucemas, ainsi que l’indique l’article 6 de la convention précitée sur les limites de Melilla.
ART. 6 –
Il sera placé, dans la limite des terrains neutres concédés par S. M. le roi de Maroc aux places espagnoles de Ceuta et Melilla, un caïd ou gouverneur avec des troupes régulières pour éviter et réprimer les attaques des tribus. Les gardes de Maures du roi pour les places espagnoles du Peñon et Alhucemas seront placés au bord de la mer.
ART. 7 –
S. M. le roi de Maroc s’engage à faire respecter par ses propres sujets les territoires qui, conformément aux stipulations du présent traité, restent sous la souveraineté de S. M. la reine d’Espagne. Sa Majesté Catholique pourra néanmoins adopter toutes les mesures qu’elle jugera opportunes pour la sûreté de ces territoires et y faire élever toutes les fortifications et défenses qu’elle croira convenables, sans que les autorités marocaines puissent jamais y mettre obstacle.
ART. 8 –
Sa Majesté Marocaine s’engage à concéder à perpétuité à Sa Majesté Catholique, sur la côte de l’Océan, près Santa Cruz la Petite, le territoire suffisant pour la formation d’un établissement de pêcherie, comme celui que l’Espagne y possédait autrefois.
Pour mettre à exécution ce qui a été convenu dans cet article, les gouvernements de Sa Majesté Catholique et de Sa Majesté Marocaine se mettront préalablement d’accord et nommeront des commissaires de part et d’autre pour désigner le terrain et les limites que cet établissement devra occuper.
Sa Majesté Marocaine s’engage à payer à Sa Majesté Catholique, comme indemnité pour les frais de guerre, la somme de 20 millions de piastres, soit 400 millions de réaux de vellon. Cette somme sera remise en quatre versements à la personne désignée par Sa Majesté Catholique dans le port désigné par S. M. le roi de Maroc, et de la manière suivante : 100 millions de réaux de vellon le 1er juillet, 100 millions le 29 août, 100 millions le 29 octobre et 100 millions le 28 décembre de la présente année.
Si S. M. le roi de Maroc payait la totalité de la somme précitée avant les délais fixes, l’armée espagnole évacuera sur-le-champ la ville de Tetuan et son territoire. Tant que ce paiement total n’aura pas lieu, les troupes espagnoles occuperont la place de Tetuan et le territoire qui comprend l’ancien pachalic de Tetuan.
ART. 10 –
S. M. le roi de Maroc, en suivant l’exemple de ses illustres prédécesseurs, qui accordèrent une protection si efficace et spéciale aux missionnaires espagnols, autorise l’établissement, dans la ville de Fez, d’une maison de missionnaires espagnols, et confirme en leur faveur tous les privilèges et exemptions que les précédents souverains de Maroc leur avaient accordés.
Ces missionnaires espagnols pourront, dans toutes les parties de l’empire marocain où ils se trouvent ou s’établiront, se livrer librement à l’exercice de leur saint ministère, et leurs personnes, maisons et hospices jouiront de toute la sécurité et protection nécessaires. S. M. le roi de Maroc donnera dans ce sens les ordres opportuns à ses autorités et délégués pour qu’ils accomplissent de tous temps les stipulations contenues dans cet article.
ART. 11 –
ll a été convenu expressément que lorsque les troupes espagnoles évacueront Tetuan il pourra être acheté l’espace de terrain nécessaire, près le consulat d’Espagne, pour la construction d’une église dans laquelle les prêtres espagnols pourront exercer le culte catholique et célébrer des messes pour les soldats espagnols morts pendant la guerre.
S. M. le roi de Maroc promet que l’église, l’habitation des prêtres et les cimetières des Espagnols seront respectés, et il donnera les ordres nécessaires à ce sujet.
ART. 12-
Afin d’éviter des événements comme ceux qui ont occasionné la dernière guerre et faciliter autant que possible la bonne intelligence entre les deux gouvernements, il a été convenu que le représentant de S. M. la reine des Espagnes dans les États du Maroc résidera à Tetuan, ou dans la ville que Sa Majesté Catholique jugera la plus convenable pour la protection des intérêts espagnols et le maintien des relations amicales entre les deux États.
ART. 13 –
Il sera conclu, dans le plus bref délai possible, un traité de commerce par lequel tous les avantages déjà accordés ou qui seraient accordés à l’avenir à la nation la plus favorisée seront concédés aux sujets espagnols.
S. M. le roi de Maroc, persuadé de la convenance de cultiver les relations commerciales entre les deux peuples, offre de contribuer pour sa part à faciliter autant que possible lesdites relations, en ayant égard aux nécessités mutuelles et à la convenance des deux parties.
ART. 14 –
Jusqu’à ce que le traité de commerce, dont il vient d’être question, soit conclu, les traités existant entre les deux nations avant la dernière guerre resteront en vigueur en tant qu’il n’y a pas été dérogé par la présente. Dans un bref délai, qui ne dépassera pas un mois après la ratification de ce traité, les commissaires, nommés par les deux gouvernements, se réuniront pour conclure le traité de commerce.
ART. 15 –
S. M. le roi de Maroc concède aux sujets espagnols la permission d’acheter et exporter librement les bois des forêts de ses États, en payant les droits, à moins qu’il ne juge convenable, par une disposition générale, de prohiber l’exportation à toutes les nations, sans que pour cela la concession faite à Sa Majesté Catholique par le traité de 1799 soit considérée comme changée.
ART. 16 –
Les prisonniers faits par les troupes de l’une et de l’autre armée, pendant la guerre qui vient de finir, seront immédiatement mis en liberté et livrés aux autorités respectives des deux États.
Le présent traité sera ratifié dans le plus bref délai possible et l’échange des ratifications aura lieu à Tétouan dans le délai de vingt jours ou plus tôt, si faire se peut.
En foi de quoi les soussignés ont fait ce traité en langue espagnole et arabe en quatre exemplaires : un pour Sa Majesté Catholique, un pour Sa Majesté Marocaine ; un qui restera entre les mains de l’agent diplomatique ou du consul général d’Espagne au Maroc, et le dernier pour le ministre des relations extérieures de ce royaume.
Les plénipotentiaires l’ont signé et cacheté du sceau de leurs armes, à Tétouan, le 26 avril 1860 (4 chival 1266 de l’ère hégire).
Signé : Louis Garcia. Tomas de Ligues y Bardaji.
Muhamimed-el-Jetib.
Ajmed-el-Chabli, fils d’Abd-el-Melek.
XCV.
Convention de Cartel entre la Prusse et la Russie, signée à Berlin, le 8 août 1857
Au nom de la Très-Sainte et indivisible Trinité, La Convention de Cartel concluée le 20/8 mai 1844 entre Sa Majesté le Roi de Prusse et Sa Majesté l’Empereur de toutes les Russies…
*L’échange des ratifications a eu lieu à Berlin le 4 septembre de la même année.
Le texte du traité est publié in
| 1,5 Mo Martens, N. R. G., t. XVI, part. 2, n° 94, pp. 590-595Pour les références bibliographiques des recueils mentionnés ci-dessous, voy. la page consacrée aux recueils de traités
La présente fiche a été réalisée dans la cadre du programme de stage du Céric à la Faculté de droit et de science politique de l’Université d’Aix-Marseille.
Elle a été conçue par :
Olivia Bechet (fiche de contextualisation, illustration, résumé)
Mélissa Alvares (correction du texte intégral)
Pr. Romain Le Boeuf (sources, transcription du texte intégral)
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