1801, 9 février, Traité de Lunéville

Traité de Lunéville, 9 février 1801

entre la France et le Saint-Empire romain germanique

Le Traité de Lunéville est un Traité international signé à proximité du château de Lunéville le 9 février 1801 entre Joseph Bonaparte, représentant la République française, et le comte Louis de Cobentzl, représentant l’Autriche.

Après la Révolution française (1789), l’Europe est bouleversée. La France révolutionnaire est en guerre avec plusieurs monarchies européennes, notamment l’Autriche et la Prusse, qui veulent renverser le nouveau régime.

Ces guerres sont connues sous le nom de guerres de la Révolution française (1792-1802). La France combat la Première Coalition formée par l’Autriche, la Prusse, la Grande-Bretagne, l’Espagne, et d’autres.
En 1797, un premier Traité de paix est signé à Campo-Formio entre la France et l’Autriche, mais les hostilités reprennent rapidement.
En 1799, Napoléon Bonaparte prend le pouvoir en France (coup d’État du 18 brumaire) et engage la France dans une politique militaire et diplomatique active pour stabiliser la situation.
Après plusieurs campagnes militaires victorieuses en Allemagne et en Italie, la France impose sa force face à l’Autriche.

En effet, le Traité de Lunéville confirme pour la France les possessions des Pays-Bas autrichiens, de la principauté de Liège et de la rive gauche du Rhin qui avaient été obtenues par le traité de Campo-Formio en 1797. Le dogme révolutionnaire des frontières naturelles devient alors une réalité. Le royaume de Prusse reçoit, entre autres, la principauté épiscopale de Paderborn. L’Autriche doit reconnaître la République batave et la République helvétique. En outre, l’article 7 du Traité prévoit d’indemniser les princes allemands spoliés par la France. Cela signifie qu’il faudra leur redistribuer des territoires, ce qui donne à la France une position d’arbitre continental. C’est ainsi que les princes de Liinange reçurent, en compensation de la perte du comté de Dabo (Meurthe), l’attribution d’Amorbach en Bavière.

Le Traité instaure également un équilibre en Italie entre la France et l’Autriche. L’Autriche annexe la principauté épiscopale de Trente et de Bressanone et se voit confirmer les possessions de la Vénétie orientale, l’Istrie, la Dalmatie, et les bouches du Cattaro. Elle doit reconnaître la République cisalpine augmentée de Modène et des Légations, et la République ligurienne, placées sous la protection de la France. L’Autriche accepte que le grand-duc de Toscane, frère de l’empereur, perde ses États. Ferdinand III de Toscane reçoit en échange l’archevêché de Salzbourg tandis que le grand-duché de Toscane, transforme en royaume d’Étrurie, est confié à Louis I en échange du duché de Parme. 

La France gagne aussi la principauté du pays de Montbéliard arrachée au duc de Wurtemberg. 

Traité de paix entre la république française et Sa Majesté l’Empereur et le corps germanique signé à Lunéville, le 9 février 1801. 

(Journal de France: 1801.u.50. Nouv. pol. 1801. n. 15.) 

Sa Majesté l’Empereur, roi de Hongrie et de Bohème, et le premier consul de la république française, au nom du peuple français, ayant également à cœur de faire cesser les malheurs de la guerre, ont résolu de procéder à la conclusion d’un traité définitif de paix et d’amitié. Sa dite Majesté impériale et royale ne désirant pas moins vivement de faire participer l’empire germanique aux bienfaits de la paix, et les conjonctures présentes ne laissant pas le temps nécessaire pour que l’empire soit consulté et puisse intervenir par ses députés dans la négociation, sa dite Majesté ayant d’ailleurs égard à ce qui a été consenti par la députation de l’empire au précédent congrès de Rastadt, a résolu, à l’exemple de ce qui a eu lieu dans des circonstances semblables, de stipuler au nom du corps germanique. En conséquence de quoi, les parties contractantes ont nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir: S.M impériale et royale, le sieur Louis, comte du Saint-Empire Romain, de Cobenzl, chevalier de la Toison-d’Or, grand-croix de l’ordre de St. Etienne, et de l’ordre de St. Jean de Jérusalem, chambellan conseiller intime actuel de sa dite Majesté impériale et royale, son ministre des conférences, et vice-chancelier de cour et d’état. Et le premier consul de la république française, au nom du peuple français, le citoyen Joseph Bonaparte, conseiller d’état: Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs, ont arrêté les articles suivants: 

Art. 1 – Il y aura, à l’avenir et pour toujours, paix, amitié et bonne intelligence entre S. M. l’empereur, roi de Hongrie et de Bohème, stipulant tant en son nom qu’en celui de l’empire germanique, et la république française :  s’engageant sa dite Majesté à faire donner par le dit empire sa ratification en bonne et due forme au présent traité. La plus grande attention sera apporté de part et d’autre, au maintien d’une parfaite harmonie et à prévenir toutes sortes d’hostilités par terre ou par mer pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce puisse être, en s’attachant avec soin à entretenir une union heureusement rétablie. Il ne sera donné aucun secours et protection, soit, directement ou indirectement, à ceux qui voudraient porter préjudice à l’une ou à l’autre des parties contractantes. 

Art. 2 – La cession des ci-devant provinces belgiques à la république française stipulée par l’article III du traité de Campo-Formio, est renouvelée ici de la manière la plus formelle ; en sorte que S.M impériale et royale, pour elle et ses successeurs, tant en son nom qu’au nom de l’empire germanique, renonce à tous ses droits et titres aux susdites provinces, lesquelles seront possédées à perpétuité, en toute souveraineté et propriété, par la république française, avec tous les biens territoriaux qui en dépendent. Sont pareillement cédés à la république française, par Sa Majesté impériale et royale et du consentement formel de l’empire : 1) le comté de Falkenstein, avec ses dépendances ; 2) le Frickthal et tout ce qui appartient à la maison d’Autriche sur la rive gauche du Rhin, entre Zurzach et Bâle. La république française se réservant de céder ce dernier pays à la république helvétique. 

Art. 3 – De même, en renouvellement et confirmation de l’article VI du traité de Campo-Formio, Sa Majesté l’Empereur et roi possédera en toute souveraineté et propriété les pays ci-dessous désignés, s’avoir : l’Istrie, la Dalmatie et les îles ci-devant vénitiennes de l’Adriatique en dépendantes ; les bouches du Cattaro, la ville de Venise ;  les Lagunes et les pays compris entre les états héréditaires de S.M l’Empereur et roi, la Mer-Adriatique et l’Adige depuis sa sortie du Tyrol jusqu’à son embouchure dans ladite mer ; le Thalweg de l’Adige servant de ligne de délimitation ; et comme par cette ligne les villes de Vérone et de Porto-Legnago se trouveront partagées, il sera établi sur le milieu des ponts des dites villes, des ponts-levis qui marqueront la séparation. 

Art. 4 – L’article XVIII du traité de Campo-Formio est pareillement renouvelé, en cela que S.M l’empereur et roi s’oblige à céder au duc de Modène, en indemnité des pays que ce prince et ses héritiers avaient en Italie, le Brisgau, qu’il possédera aux mêmes conditions que celles en vertu desquelles il possédait le Modenois. 

Art. 5 – Il est en outre convenu que S.A.R. le grand-duc de Toscane, renonce, pour elle et pour ses successeurs et ayant cause, au grand-duché de Toscane, et à la partie de l’ile d’Elbe qui en dépend, ainsi qu’à tous droits et titres résultant de ses droits sur les dits états, lesquels seront possédés désormais en toute souveraineté et propriété par son altesse royale l’infant duc de Parme. Le grand-duc obtiendra en Allemagne une indemnité pleine et entière de ses états d’Italie. Le grand-duc disposera à sa volonté des biens et propriétés qu’il possède particulièrement en Toscane, soit par acquisition personnelle, soit par hérédité des acquisitions personnelles de feu S.M. l’empereur Léopold II., son père, ou de feu S. M. l’empereur François I., son ayeul; il est aussi convenu que les créances, établissements et autres propriétés du grand-duché, aussi bien que les dettes dûment hypothéquées sur ce pays, passeront au nouveau grand-duc. 

Art. 6 – S. M. l’empereur et roi, tant en son nom qu’en celui de l’Empire germanique, consent à ce que la République française possède désormais, en toute souveraineté et propriété les pays et domaines situés à la rive gauche du Rhin et qui faisaient partie de l’Empire germanique; de manière qu’en conformité de ce qui avait été expressément consenti au congrès de Rastatt par la députation de l’empire, et approuvé par l’empereur, le Thalweg du Rhin soit désormais la limite entre la République française et l’Empire germanique, savoir: depuis l’endroit où le Rhin quitte le territoire helvétique, jusqu’à celui où il entre dans le territoire batave. En conséquence de quoi, la République française renonce formellement à toute possession quelconque, sur la rive droite du Rhin, et consent à restituer à qui il appartient, les places de Dusseldorf, Ehrenbreitstein, Philippsbourg, le fort de Cassel et autres fortifications vis-à-vis de Mayence à la rive droite, le fort de Kehl et le Vieux Brissac, sous la condition expresse que ces places et forts continueront à rester dans l’état où ils se trouveront lors de l’évacuation.

Art. 7 – Et comme par suite de la cession que fait l’empire à la république française, plusieurs princes et états de l’empire se trouvent particulièrement dépossédés, en tout ou en partie, tandis que c’est à l’empire germanique collectivement à supporter les pertes résultantes des stipulations du présent traité, il est convenu entre Sa Majesté l’empereur et roi, tant en son nom qu’au nom de l’empire germanique, et la république française, qu’en conformité des principes formellement établis au Congrès de Rastadt, l’empire sera tenu de donner aux princes héréditaires qui se trouvent dépossédés à la rive gauche du Rhin, un dédommagement qui sera pris dans le sein du dit empire, suivant les arrangements qui, d’après ces bases, seront ultérieurement déterminés. 

Art. 8 – Dans tous les pays cédés, acquis ou échangés par le présent traité, il est convenu, ainsi qu’il avait été fait par les articles IV. et X. du traité de Campo-Formio, que ceux auxquels ils appartiendront se chargeront des dettes hypothéquées sur le sol des dits pays ; mais attendu les difficultés qui sont survenues à cet égard sur l’interprétation des dits articles du traité de Campo-Formio, il est expressément entendu que la république française ne prend, à sa charge, que les dettes résultantes d’emprunts formellement consentis par les états des pays cédés, ou des dépenses faites pour l’administration effective des dits pays. 

Art. 9 – Aussitôt après l’échange des ratifications du présent traité, il sera accordé, dans tous les pays cédés, acquis ou échangés par le dit traité, à tous les habitants ou propriétaires quelconques, main-levée du séquestre mis sur leurs biens, effets et revenus, à cause de la guerre qui a eu lieu. Les parties contractantes s’obligent à acquitter tout ce qu’elles peuvent devoir pour fonds à elles prêtés par les dits particuliers, ainsi que sur les établissements publics des dits pays, et à payer ou rembourser toute rente constituée à leur profit sur chacune d’elles. En conséquence de quoi, il est expressément reconnu que les propriétaires d’actions de la banque de Vienne, devenus français, continueront à jouir du bénéfice de leurs actions, et en toucheront les intérêts échus ou a échoir, non-obstant tout séquestre et toute dérogation, qui seront regardés comme non-avenus, notamment la dérogation résultante de ce que les propriétaires devenus français, n’ont pas fourni les trente et les cent pour cent demandés aux actionnaires de la banque de Vienne par S.M. l’empereur et roi. 

Art. 10 – Les parties contractantes feront également lever tous séquestres qui auraient été mis à cause de la guerre sur les biens, droits et revenus des sujets de S. M. l’empereur ou de l’empire, dans le territoire de la république française, et des citoyens français dans les états de sa dite Majesté ou de l’empire. 

Art. 11 – Le présent traité de paix, notamment les articles VIII, IX, et XV ci-après, est déclaré commun aux républiques batave, helvétique, cisalpine et ligurienne. Les parties contractantes se garantissent mutuellement l’indépendance desdites républiques, et la faculté aux peuples qui les habitent, d’adopter telle forme de gouvernement qu’ils jugeront convenable. 

Art. 12 – S.M. impériale et royale renonce pour elle et ses successeurs, en faveur de la république cisalpine, à tous les droits et titres provenant de ces droits, que sa dite Majesté pourrait prétendre sur les pays qu’elle possédait avant la guerre, et qui, aux termes de l’article VIII. du traité de Campo -Formio, sont maintenant partie de la république cisalpine, laquelle les possédera en toute souveraineté et propriété, avec tous les biens territoriaux qui en dépendent. 

Art. 13 – S.M. impériale et royale, tant en son nom qu’au nom de l’empire germanique, confirme l’adhésion déjà donnée par le traité de Campo-Formio, à la réunion des cidevant fiefs impériaux à la république ligurienne, et renonce à tous droits provenant de ces droits sur les dits fiefs. 

Art. 14 – Conformément à l’article XI. du traité de Campo-Formio, la navigation de l’Adige servant de limite entre les états de S.M. impériale et royale, et ceux de la république cisalpine, sera libre, sans que de part et d’autre on puisse y établir aucun péage, ni tenir aucun bâtiment armé en guerre. 

Art. 15 – Tous les prisonniers de guerre faits prisonnier de part et d’autre, ainsi que les ôtages enlevés ou donnés pendant la guerre qui n’auront pas encore été restitués, le seront dans quarante jours, à dater de celui de la signature du présent traité. 

Art. 16 – Les biens fonciers et personnels non aliénés de S.A.R. l’archiduc Charles, et des héritiers de feue S. A. R. madame l’archiduchesse Christine,qui sont situés dans les pays cédés à la république française, leur seront restitués, à la charge de les vendre dans l’espace de trois ans. Il en sera de même des biens fonciers et personnels de L.A.R. l’archiduc Ferdinand et madame l’archiduchesse Béatrix son épouse, dans le territoire de la république cisalpine. 

Art. 17 – Les articles XII, XIII, XV, XVI, XVII et XXIII du traité de Campo-Formio sont particulièrement rappelés pour être exécutés suivant leur forme et teneur, comme s’ils étaient insérés mot à mot dans le présent traité. 

Art. 18 – Les contributions, livraisons, fournitures et prestations quelconques de guerre cesseront d’avoir lieu, à dater du jour de l’échange des ratifications données au présent traité, d’une part par S.M. l’empereur et par l’empire germanique, d’autre part par la république française.

Art. 19 – Le présent traité sera ratifié par S.M. l’empereur et roi, par l’empire, et par la république française, dans l’espace de trente jours, ou plutôt si faire se peut : et il est convenu que les armées des deux puissances resteront dans les positions où elles se trouvent, tant en Allemagne qu’en Italie, jusqu’à ce que les dites ratifications de l’empereur et roi, de l’empire et de la république française, aient été simultanément échangées à Lunéville, entre les plénipotentiaires respectifs. Il est aussi convenu que dix jours après l’échange des dites ratifications, les armées de S.M. impériale et royale seront rentrées sur les possessions héréditaires, mais qu’elles seront évacuées dans le même espace de temps par les armées françaises, et que 30 jours après le dit échange, les armées françaises auront évacué la totalité du dit empire.

Fait et signé à Lunéville, le 20. pluviôse an 9. de la république française, 9. février 1801. 

Signé ;      LOUIS comte de COBENZL, 

      JOSEPH BONAPARTE. 

Le texte du traité est publié in

| 971 Ko Martens, R., 2nde éd., t. VII, n° 24 pp. 296-302

Pour les références bibliographiques des recueils mentionnés ci-dessous, voy. la page consacrée aux recueils de traités

La présente fiche a été réalisée dans le cadre du programme de stage du Céric à la Faculté de Droit et de Science politique de l’Université d’Aix-Marseille.

Elle a été conçue par :

Anna Elliott (fiche de contextualisation, illustration, résumé, transcription du texte intégral)

Mohamed Bekkouche (travail de vérification).

Pr. Romain Le Boeuf (sources, transcription du texte intégral)

Crédits image : napoleon.org.