Le Traité de Tartu, signé le 2 février 1920, est un accord de paix entre l’URSS et l’Estonie.
Ce dernier met fin à la guerre d’indépendance de l’Estonie. L’indépendance de l’Estonie, proclamée le 24 février 1918, a déclenché une guerre de deux ans entre l’Estonie et l’URSS, qui refuse de reconnaitre son indépendance. Ce conflit est marqué par les victoires militaires de l’Estonie et les défaites des forces soviétiques.
Le Traité de Tartu proclame l’indépendance de l’Estonie, reconnu sans condition par l’URSS, redéfinit les frontières, prévoit des réparations économiques et financières par l’URSS, et garantit la protection des minorités résidantes.
Texte intégral : page 1
No. 289 – TRAITÉ DE PAIX ENTRE LA RUSSIE ET L’ESTONIE, SIGNÉ À TARTU LE 2 FÉVRIER 1920.
L’ESTHONIE, d’une part, et la RUSSIE, d’autre part, mues par le ferme désir de mettre fin à la guerre qui a éclaté entre elles, ont résolu d’entrer en pourparlers de paix et de conclure le plus rapidement possible une paix juste, honorable et durable et, pour ce, ont désigné pour plénipotentiaires :
LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE D’ESTHONIE:
Jaan POSKA, membre de l’Assemblée constituante;
Ant. PNP, membre de l’Assemblée constituante;
Mait. PUUMAN, membre de l’Assemblée constituante;
Julius SELJAMAA, membre de l’Assemblée constituante;
et Jaan SOOTS, général-major de l’état-major général;
et LE CONSEIL DES COMMISSAIRES DU PEUPLE DE LA RÉPUBLIQUE SOCIALISTE ET FÉDÉRATIVE DES SOVIETS DE LA RUSSIE :
Adolphe Abramovitch ]OFFE, membre du Comité central exécutif des Soviets de députés des ouvriers, des paysans, des soldats de l’armée rouge et des cosaques, et Isidor Emmanuelovitch GOUKOVSKI, membre du Collegium du Commissariat populaire du Contrôle d’Etat.
Les plénipotentiaires désignés s’étant réunis à Tartu, après présentation réciproque de leurs pouvoirs qui ont été reconnus établis en bonne et due forme, se sont mis d’accord sur ce qui suit :
ART. I –
L’état de guerre entre les Parties contractantes prendra fin au jour de l’entrée en vigueur du présent traité de paix.
ART. II –
Partant du droit de tous les peuples à disposer librement d’eux-mêmes jusqu’à se séparer complètement de l’Etat dont ils font partie, droit proclamé par la République socialiste et fédérative russe des Soviets, la Russie reconnaît sans réserve l’indépendance et l’autonomie de l’Etat d’Esthonie et renonce volontairement et pour toujours à tous les droits de souveraineté que possédait la Russie sur le peuple et le territoire esthoniens en vertu de l’ordre juridique préexistant en droit public, aussi bien qu’en vertu des traités internationaux qui, dans la pensée indiquée ici, perdent leur force pour l’avenir. page 2
Du fait que l’Esthonie a appartenu à la Russie, il ne découle aucune obligation, envers la Russie pour le peuple et le. territoire d’Esthonie.
ART. III –
- La frontière entre l’Esthonie et la Russie suit le trajet suivant :
En partant de la baie de Narva à une verste au sud de la Maison des Pêcheurs, elle se dirige vers Ropscha, puis suit le cours des rivières Mertvitskaja et Rosson jusqu’au village d’Ilkino ; de là, elle passe à une verste à l’ouest du village de Keikino, à une demi-verste à l’ouest du village de Isvosi et se dirige vers le village de Kobôlyaki ; elle traverse ensuite l’embouchure de la rivière Schtschutschka, passe par Krivaaj Luka, par la propriété Petschurki, au confluent de trois sources
de la rivière Vtroja, suit la limite sud du village de Kuritschek avec ses dépendances, se dirige ensuite en droite ligne jusqu’à la ligne médiane du lac Péipus qu’elle suit dans une direction sud, elle passe ainsi à une verste à l’est de l’île Piirisaar (Pork) ; suit le détroit en le coupant en son milieu jusqu’à l’île Salu, de là passe à travers le lac Pihkva (de Pskov) entre les îles Talabski et l’île Kamenka, puis à l’est du village Poddubje (sur la rive méridional du lac Pihkva) et au poste-vigie de la voie ferrée situé près de Grjadischtsche, puis passe successivement à l’ouest. du village de Schahintsôi, à l’est de Novaja, à travers le lac Poganova entre les villages de Babina et de Vômorski à une verste et demie au sud de l’établissement forestier (qui est situé au nord de Glybotsschina) à Sprechtitschi et à la ferme Kudepi. Remarque 1. -La frontière décrite dans cet article est figurée en rouge sur la carte à l’échelle de trois verstes par pouce (o m. 0254) qui constitue la, première annexe à l’article 3·
En cas de divergence entre le texte et la carte, c’est au texte qu’il faut ajouter foi. Remarque 2.-Le tracé de la frontière entre les deux pays contractants· et la pose des signauxfrontières seront accomplis sous la direction d’une Commission mixte spéciale composée d’un nombre égal de membres de chacune des deux parties. En procédant à la délimitation de la frontière, cette Commission mixte décidera de l’attribution à l’une ou l’autre des parties des lieux habités se trouvant sur la frontière, d’après les indices ethnographiques et en tenant compte des convenances économiques et d’exploitation agricole.
- La partie du territoire de l’Esthonie à l’est de la Narova, la rivière Narova elle-même et les îles qui se trouvent dans son cours, de m~me que la zone au sud du lac Pihkva qui se trouve comprise entre la frontière ci-dessus mentionnée et la ligne des villages Borok-Smolni-BelkovaSprechtitschi seront, au point de vue militaire, considérés comme neutres jusqu’au premier janvier mil neuf cent vingt-deux.
L’Esthonie s’engage à n’entretenir aucune espèce de troupes dans les zones neutralisées en dehors de celles qui sont nécessaires au service de la frontière et au maintien de l’ordre et dont l’effectif est prévu dans l’annexe 2 au présent article; à n’y pas construire de fortifications ou points d’observation, à n’y pas constit1:1er d’entrepôts militaires, à n’y placer aucune espèce de matériel de guerre,
à l’exception de celui qui est indispensable aux effectifs prévus, et aussi à ne pas y établir de bases ou de dépôts à l’usage de bateaux quels qu’ils soient ou d’une flotte aérienne quelconque.
- La Russie, de son côté, s’engage à ne pas entretenir de troupes dans la région de Pskov,à l’ouest de la ligne : rive occidentale de l’embouchure de la Vélikaja, villages Sivtseva, Luhnova, Samulina, Schalki et Sprechtitschi, jusqu’au premier janvier mil neuf cent vingt-deux, à l’exception de celles qui sont indispensables au service de la frontière et au maintien de l’ordre et dont l’effectif est prévu dans l’annexe 2 au présent article.
- Les Parties contractantes s’engagent à n’avoir aucun bateau armé sur les lacs de Peipsi et Pihkva. page 3
Annexe I à l’article 3.
(Carte 1.)
Annexe 2 à l’article 3.
Les deux Parties contractantes s’engagent :
1. A retirer leurs troupes en deçà de leur frontière respective dans le secteur compris entre le golfe de Finlande et l'embouchure de la rivière Schtsutschka dans les vingt-huit jours qui suivront la ratification du traité de paix.
2. A retirer leurs troupes avec tout le matériel et tous leurs approvisionnements des zones neutralisées où, conformément aux points 2 et 3, de l'article 3 il n'est pas permis d'entretenir d'autres troupes que celles qui sont nécessaires au service de la frontière et au maintien de l'ordre, dans les quarante-deux jours qui suivront la ratification du traité de paix.
3. A retirer, en exécution du point 4 de l'article 3, les bateaux armés se trouvant sur les lacs Peipsi et Pihkva dans les quarante-deux jours après la ratification du traité de paix, ou à les désarmer de leur artillerie, des mines et appareils pour la pose des mines et de toute espèce de munitions de guerre.
4. A n'entretenir pour le service de la frontière dans les zones neutralisées où le séjour des troupes est interdit que quarante hommes par verste, pendant les six premiers mois qui suivront la ratification du traité de paix, et ensuite trente seulement ; à cette condition, la pose d'une barrière de fils de fer barbelés tout le long de la frontière est autorisée. Quant aux .hommes destinés à maintenir l'ordre intérieur, leur nombre ne doit pas dépasser cinq cents dans chaque zone.
s. A ne pas entretenir de bateaux armés sur les lacs Pei psi et Pihkva pour la garde de la douane, à l'exception de patrouilleurs munis de canons d'un calibre maximum de quarante-sept millimètres et de mitrailleuses, à raison de deux canons et de deux mitrailleuses au maximum par bateau ; le nombre de ces patrouilleurs ne devra pas être supérieur à cinq.
ART. IV –
Pendant un an à dater du jour de la: ratification du présent traité, les personnes d’origine non esthonienne demeurant en Esthonie et âgées de dix-huit ans révolus ont le droit d’opter pour la nationalité russe ; les femmes et les enfants âgés de moins de dix-huit ans suivent la nationalité
du mari ou du père, s’il n’existe entre les époux aucune convention contraire. Les personnes qui auront opté pour la Russie devront, dans le délai d’un an à dater du jour de leur option, quitter
le territoire esthonien ; mais elles conservent leurs droits sur leurs immeubles et peuvent emporter avec elles leurs biens mobiliers. De même les personnes d’origine esthonienne demeurant en Russie peuvent opter dans le même délai et sous les mêmes conditions pour la nationalité esthonienne.
Chacun des deux Gouvernements contractants 1conserve le droit de rejeter ces options de nationalité.
Remarque. -En cas de doute sur les origines des personnes, seront considérées comme esthoniennes celles qui auraient été personnellement inscrites ou dont les parents auraient été inscrits dans une communauté rurale ou urbaine ou dans une « classe » sur le territoire composant aujourd’hui l’Etat d’Esthonie. page 4
ART. V –
Au cas où la neutralité perpétuelle de l’Esthonie serait reconnue internationalement, la Russie s’engagerait à respecter cette neutralité et à participer à la garantir.
ART. VI –
Les deux Parties contractantes s’engagent, en cas de neutralisation du golfe de Finlande, à accéder à cette neutralisation aux conditions établies d’un commun accord par tous les Etats intéressés et fixées par les actes internationaux y relatifs ; elles s’engagent aussi, si la convention internationale dont il s’agit était établie, à placer leurs forces navales ou une partie de celles-cî dans les conditions répondant aux exigences de la dite convention internationale.
ART. VII –
Les deux parties contractantes s’engagent :
- A interdire le séjour sur leur territoire de toutes troupes, à l’exception de celles de leur gouvernement ou des Etats amis avec lesquels l’une des parties contractantes aurait conclu une convention militaire, mais ne se trouvant pas de facto en état de guerre avec une des Parties contractantes et à interdire également dans les limites de leur territoire le recrutement et la mobilisation de corps particuliers pris dans les rangs des armées de ces Etats, ainsi que l’organisation même
de simples groupes qui auraient pour but la lutte armée contre l’autre Partie contractante.
- A désarmer ces forces de terre et de mer se trouvant sur leur territoire et qui, au premier octobre mil neuf cent dix-neuf, ne dépendaient pas d’un des deux Gouvernements contractants ; · à neutraliser et immobiliser jusqu’au premier janvier mil neuf cent vingt-deux tous les biens, le matériel d’artillerie et d’intendance (sauf les vivres et les vêtements), le matériel du génie et d’aviation, c’est-à-dire les canons, mitrailleuses, fusils, armes blanches, munitions, aéroplanes, véhicules blindés, tanks, trains blindés, etc., appartenant aux forces de terre ou de mer dont il s’agit, iL l’exception du matériel de guerre et technique qui a été remis aux dites forces, mais qui appartient aux Parties contractantes ou à d’autres Etats ; la partie de ce matériel qui appartient à d’autres Etats devra être renvoyée dans le délai de six mois à dater du jour de la ratification du présent traité. Le désarmement des forces de terre et de mer non régulières sus-indiquées, ainsi que l’immobilisation et la neutralisation de leurs stocks militaires et de tout leur matériel de guerre et technique devront être achevés : les premiers trente pour cent des hommes et du matériel dans les sept jours qui suivront la ratification du présent traité de paix, et le reste dans les deux semaines suivantes à raison de trente-cinq pour cent par semaine.
- A interdire aux soldats et aux officiers des troupes irrégulières soumises au désarmement dans les conditions fixées parle précédent point (2) d’entrer, sous quelque aspect que ce soit, en qualité de volontaires, dans les rangs des troupes gouverneme1;1tales des Parties contractantes, à
l’exclusion : ·
a) Des.personnes de nationalité esthonienne résidant hors de l’Esthonie, mais optant pour ce pays ;
b) Des personnes de nationalité non esthonienne qui demeuraient en Esthonie avant le premier mai mil neuf cent dix-neuf et n’optant pas en faveur de la Russie;
c) Des personnes de nationalité non esthonienne n’optant pas pour la Russie et ayant servi dans l’armée esthonienne avant le vingt-deux novembre mil neuf cent dix-neuf.
Les personnes entrant dans les catégories énumérées sous les subdivisions a), b) et c) peuvent prendre du service dans les armées gouvernementales esthoniennes.
- a) A interdire, aux Etats se trouvant de facto en état de guerre avec l’une des Parties contractantes, et aux organisations ou groupes ayant pour but la lutte année contre une des Parties page 5 contractantes, le passage à travers leurs ports et leur territoire de tout ce qui peut être utilisé pour attaquer l’autre Partie contractante, et notamment les forces armées dépendant de ces Etats, organisations ou groupes, tout objet et tout matériel de guerre d’artillerie, d’intendance, de génie d’aviation ou autre appartenant à ces formations militaires .
- b) A interdire, à l’exclusion des cas prévus par le droit international, le lancement et la navigation dans leurs eaux territoriales de tous bâtiments de guerre, canonnières, bateaux pour
la pose des mines, etc., appartenant soit aux organisations ou groupes ayant pour but de combattre contre l’autre Partie contractante, soit aux Etats se trouvant en état de guerre avec celle-ci, si ces navires ont pour buts de l’attaquer et si ces visées sont connues de celle des Parties contractantes au territoire de laquelle appartiennent les ports et les eaux territoriales utilisées.
- A ne pas autoriser la formation ni le séjour sur leur territoire d’organisations ou de groupes quels qu’ils soient prétendant à gouverner tout ou partie du territoire de l’autre Partie contractante, ni le séjour de représentants ou de fonctionnaires des organisations ou des groupes ayant pour but de renverser le gouvernement de l’autre Partie au traité.
- Les gouvernements des deux Parties contractantes s’engagent à se fournir réciproquement, en même temps qu’ils échangeront les ratifications du présent traité de paix, des données précises
sur l’état des forces non gouvernementales, ainsi que des stocks militaires (fixes ou mobiles) et du matériel militaire ou technique appartenant à ces forces irrégulières, qui se trouvaient sur leur territoire au moment de la conclusion de la convention d’armistice, c’est-à-dire au trente-et-un décembre mil neuf cent dix-neuf.
- Pour veiller à l’exécution des garanties militaires que s’accordent mutuellement les Parties contractantes, une Commission mixte est créée dont la composition, les droits et les obligations sont déterminés par une « instruction » annexée au présent article.
Annexe à l’article 7.
INSTRUCTION POUR LA COMMISSION MIXTE INSTITUÉE CONFORMÉMENT AU POINT 7 DE L’ARTICLE 7.
1. Pour veiller à l'exécution des garanties militaires prévues à l'article 7, une Commission mixte composée de représentants de deux Parties contractantes est instituée.
2. Composition de la Commission : quatre membres de chacune des parties, à savoir : un président, deux représentants de l'administration de la guerre, 'un représentant de l'administration de la marine.
3. Il appartient à la Commission : de contrôler effectivement l'exécution de toutes les conditions indiquées au point 2 de l'article 2 dans les formes prescrites par les articles suivants de la présente instruction et dans les délais indiqués à ce même point 2 de l'article 7·
Remarque.- Les renseignements relatifs au point 3 de l'article 2, s'il en est besoin pour mettre fin aux désaccords qui peuvent surgir, sont fournis à la Commission par le gouvernement intéressé.
4· La Commission reçoit du gouvernement intéressé ou des organes locaux indiqués par lui tous les renseignements nécessaires pour l'exécution des garanties militaires.
5. Pour réaliser le contrôle effectif de l'exécution des garanties militaires, la Commission a le droit de procéder sur place à la vérification des renseignements qui lui sont fournis conformément au précédent point 4 et, si besoin est, d'aller surveiller sur place l'observation des obligations prescrites au point 2 de l'article 7·
6. Pour assurer la libre communication des membres de la Commission avec leur gouvernement,une ligne télégraphique (appareil HughPS) directe est établie entre la ville de Rakvere (Vesenberg), siège de la Commission, et Pétrograd ou Moscou. Pendant son séjour en territoire russe, la Commission siégera à Pskov et une ligne télégraphique directe (appareil Hughes) reliera cette villeà Tallinn (Reval). Les membres de la Commission jouissent du droit d'utiliser librement le télégraphe ___page 6___ et d'envoyer des courriers spéciaux. La correspondance expédiée et reçue par courriers spéciaux jouit des prérogatives diplomatiques.
7· La Commission dressera un protocole (e (en langue esthonienne et en langue russe) de ses travaux et de ses conclusions, qui sera présenté à chacun des deux gouvernements intéressés.
8. Après l'entier accomplissement de toutes les. obligations imposées à la Commission du point 3 de la présente instruction et sa vérification effective sur les bases du point 5 de cette même instruction, et, en tout cas, dans le délai d'un mois au plus à dater du jour où les membres de la Commission seront informés par leur gouvernement respectif de l'accomplissement par lui de toutes les conditions des garanties soumises à la compétence de la Commission, celle-ci sera dissoute. La prolongation de l'activité de la Commission sera décidée, en cas de besoin, par un accord entre les deux gouvernements.
ART. VIII –
Les deux Parties renoncent réciproquement au remboursement de leurs frais de guerre, c’est-à-dire de leurs dépenses militaires, aussi bien qu’au remboursement des pertes de guerre, c’est-à-dire de celles causées à l’Etat ou aux particuliers par des mesures militaires prises, en y comprenant celles provenant des réquisitions, quelles qu’elles soient, faites chez l’ennemi.
ART. IX –
Les prisonniers de guerre des deux pays seront libérés dans le plus bref délai possible. Les formalités de l’échange des prisonniers sont déterminées dans l’annexe au présent article.
Remarque 1. -Sont considérés comme prisonniers de guerre, les individus capturés et n’ayant pris du service dans les armées de l’Etat qui les a capturés.
Remarque 2. – Les prisonniers de guerre capturés par des troupes irrégulières et n’ayant pas pris du service dans les rangs de ces troupes sont soumis au rapatriemenf dans les conditions ordinaires.
Annexe à l’article 9·
- Les prisonniers de guerre des deux Parties contractantes seront rapatriés, pour autant qu’ils ne désirent pas rester dans le pays où ils se trouvent, avec l’agrément du gouvernement de ce pays, ou s’en aller dans quelque autre pays.
- Les délais dans lesquels l’échange des prisonniers de guerre sera effectué seront arrêtés entre les deux gouvernements après la ratification du traité de paix.
- Au moment de leur libération, on restituera aux prisonniers ce qui leur a été enlevé, en vertu de dispositions prises par les autorités du gouvernement qui les a capturés, et on leur versera
aussi le montant des salaires qui leur seront dus ou la partie des dits salaires qui aura pu leur être retenue. ·
- Chacune des Parties contractantes s’engage à rembourser les frais d’entretien de ses citoyens tombés en captivité, pour autant que ces dépenses n’ont pas été couvertes par le travail des prisonniers dans les entreprises de l’Etat ou privées. Le paiement devra être effectué dans la monnaie de l’Etat qui a entretenu les prisonniers.
Remarque. – Les frais d’entretien sujets à remboursement se composent de la valeur de la nourriture du prisonnier, des fournitures qui lui ont été faites en nature et de sa solde.
- Les prisonniers sont dirigés par échelons vers la frontière aux frais du gouvernement qui les a capturés ; la reddition de ces prisonniers est faite conformément aux listes établies, qui.doivent mentionner 1e prénom, le nom patronymique et le nom de famille du prisonnier, l’époque de sa page 7 capture, la formation dans laquelle il servait avant sa capture et, s’il a été condamné à la détention pour un fait qualifié crime, préciser la nature de ce crime et l’époque de sa perpétration.
- Immédiatement après la ratification du traité de paix, une Commission pour l’échange des prisonniers de guerre, composée de quatre représentants de chacune des Parties contractantes,sera instituée. Cette Commission devra veiller à l’exécution des clauses de la présente annexe, organiser le rapatriement des prisonniers et aussi déterminer le montant de leurs frais d’entretien d’après les comptes présentés au moment de la remise des dits prisonniers par la partie intéressée.
ART. XX –
Les Parties contractantes feront remise aux prisonniers de guerre et aux internés civils, au moment de leur retour dans leur pays, de toutes les peines auxquelles ils auront été condamnés pour des actes criminels commis au bénéfice de la partie adverse, ainsi que de toute espèce de peine disciplinaire.
Ne bénéficient pas de l’amnistie, les personnes qui auront accompli un des crimes mentionnés ci-dessus ou une infraction à la discipline postérieurement à la signature du traité de paix.
Les prisonniers de guerre et les internés civils condamnés par une juridiction criminelle avant la ratification du présent traité ou même après cette ratification, mais avant qu’un délai d’un an,
à compter du jour de la ratification, se soit écoulé, pour -un crime ne bénéficiant pas de l’amnistie, ne seront rapatriés qu’après l’accomplissement de leur peine.
Ceux d’entre ces prisonniers ou internés qui seraient poursuivis pour des actes criminels non soumis à l’amnistie, mais contre lesquels aucun jugement ne serait rendu dans le délai d’un an à compter du jour de la ratification du présent traité de paix, seront livrés aux autorités de leur pays à l’expiration de ce délai avec toutes les pièces se rapportant aux poursuites intentées contre
eux.
ART. XI –
La Russie renonce au transfert ou au remboursement de la valeur des biens de l’ancien Empire russe, tant mobiliers qu’immobiliers, se trouvant en Esthonie qui sont propriété commune de toute
la nation, quelle que soit la nature de ces biens. Au nombre de ceux-ci se trouvent: les constructions militaires ou autres, les forts, les ports, les bateaux de toute espèce, y compris les navires de guerre, leurs cargaisons, etc. ; elle renonce de même à tous les droits de J’Etat russe sur les biens meubles et immeubles des particuliers lui ayant appartenu pour autant que ceux-ci sont situés sur le territoire de l’Esthonie, à l’intérieur des limites qui lui sont assignées par le présent traité, ou dans ses eaux territoriales, ou qui s’y trouvaient au moment de l’occupation allemande, c’est-à-dire au vingt-trois février mil neuf cent dix-huit ; elle renonce également à tous ses droits sur les bateaux,
sans en excepter les navires de guerre, qui se trouvaient là pendant l’occupation allemande et, enfin, sur ceux q~i, pendant la guerre entre l’Esthonie et la Russie, furent capturés, soit directement par les forces esthoniennes, soit par d’autres forces et remises ensuite au Gouvernement esthonien. Tous les biens énumérés ci-dessus deviennent la propriété exclusive de l’Esthonie et sont affranchis de toute obligation à dater du quinze novembre mil neuf cent dix-sept ou, s’ils ont été acquis par la Russie après cette date, à dater de leur acquisition.
Toutes les créances du fisc russe contre les sujets esthoniens, si elles sont exécutables en Esthonie, passent entre les mains de l’Esthonie, et cela seulement dans la mesure où elles ne sont pas couvertes par les prétentions inverses des débiteurs.
Les documents et actes attestant les droits énumérés dans le présent article seront transmis par le Gouvernement russe au Gouvernement esthonien, et si cela n’était pas accompli dans le délai de six mois, à dater du jour de la ratification du traité, ces documents seraient considérés comme perdus.
De son côté, l’Esthonie ne pourra élever aucune prétention contre la Russie du fait qu’elle entrait précédemment dans la composition de l’Empire russe.page 8
ART. XII –
Indépendamment des accords établis par l’article II :
- La Russie accorde à l’Esthonie quinze millions de roubles or, dont huit millions seront payés dans le mois et les sept derniers millions dans les deux mois à dater du jour de la ratification du traité de paix.
- L’Esthonie ne portera aucune part des responsabilités dans les dettes et toutes autres obligations de la Russie et notamment dans celles qui découlent de l’émission de papier-monnaie, de bons du Trésor, d’obligations, d’emprunts extérieurs ou intérieurs, de la garantie des emprunts émis par diverses institutions ou entreprises, etc. Toutes les réclamations des créanciers de la Russie pour la part de dettes concernant l’Esthonie doivent être dirigées uniquement contre la Russie. .
- En ce qui concerne Je paiement des obligations d’Etat russes, garanties par l’Etat et se
trouvant en circu!ation sur le territoire esthonien, ainsi que celui des autres titres émis par des sociétés ou institutions, dont les entreprises ont été nationalisées par le Gouvernement russe, de même qu’en ce qui concerne la satisfaction à donner aux réclamations des citoyens esthoniens à l’égard du Trésor russe, la Russie s’oblige à reconnaître à l’Esthonie et aux citoyens esthoniens ‘ toutes les exemptions d’impôts, droits et privilèges qui, directement ou indirectement, ont été proposés par elle, ou pourront l’être à l’un quelconque des Etats étrangers ou aux sujets, aux socié- tés ou institutions de cet Etat.
Remarque. – Les réclamations des citoyens esthoniens contre les agences locales de banque en Esthonie qui avaient été nationalisées en vertu du décret du Comité central exécutif sur la nationalisation des banques du 14 décembre 1917, si elles ont été formulées avant la promulgation de ce décret, seront examinées au même titre que les réclamations contre le Trésor russe, pour autant que les biens demeurés en la possession des dites agences ne permettraient pas d’y satisfaire.
- Le Gouvernement de Russie restituera au Gouvernement d’Esthonie tous les biens de l’Uni- versité de Tartu, ainsi que des autres établissements d’enseignement qui se trouvent ou se sont trouvés
en territoire esthonien et qui ont été évacués en Russie. Au nombre de ces biens figurent les bibliothèques, archives, documents et, en général, tous autres objets présentant pour l’Esthonie un intérêt scientifique ou historique. Ces restitutions ne pourront être faites qu’autant que les endroits où se trouvent les dits biens sont connus du gouvernement ou des institutions publiques de Russie ou qu’ils leur seront révélés.
- Le Gouvernement russe remettra au Gouvernement d’Esthonie, qui les transmettra à leurs propriétaires, toutes les choses de prix, à l’exception de l’or et des pierres précieuses, les valeurs mobilières et titres de créances, tels que titres de prêts hypothécaires, lettres de change, etc., qui ont été évacués du territoire esthonien par les établissements de crédit, d’enseignement et au~res du gouvernement, les institutions locales ou les particuliers, si les endroits où se trouvent ces. b1ens mobiliers sont indiqués par les autorités esthoniennes. Si ces indications ne sont pas fourmes ou si les biens dont il s’agit ne sont pas découverts aux endroits indiqués, le Gouvernement russe, en application du point 3 du présent article, se déclare prêt à reconnaître comme détenteurs des valeurs mobilières et autres, ceux qui donneront des preuves suffisantes de l’évacuation de leurs titres pendant la guerre. Une commission mixte spéciale est instituée pour examiner ces réclamations.
- Pour remplir les conditions fixées par les points 3, 4 et 5 du présent article, le Gouvernement russe s’engage à donner au Gouvernement d’Esthonie tous les renseignements nécessaires et à collaborer entièrement avec lui dans la recherche des biens, objets, archives, documents, etc., à res- tituer. La solution des questions qui seront soulevées à ce sujet est confiée à la Commission mixte spéciale qui comprendra un nombre égal de membres de deux Parties contractantes.page 1
ART. XII –
La Russie déclare que les exonérations, droits et privilèges accordés à l’Esthonie et à ses citoyens par le présent traité ne peuvent dans aucun cas ni sous aucune condition servir de précédent au moment de la conclusion de traités de paix entre la Russie et les autres Etats sortis de l’ancien Empire russe; d’autre part, si, lors de la conclusion de ces traités, elle accordait à l’un quelconque
de ces nouveaux Etats ou à ses citoyens des exonérations, droits ou privilèges particuliers, ceux-ci, immédiatement et sans convention spéciale, s’étendraient dans toute leur plénitude à l’Esthonie
et à ses citoyens.
ART. XIV –
La solution des questions de droit public ou privé qui s’élèveraient entre les citoyens des Parties contractantes, de même que le règlement de quelques questions spéciales entre les deux
gouvernements ou entre l’un des gouvernements contractants et les citoyens de l’autre sera fournie par des Commissions mixtes spéciales, qui seront créées immédiatement après la ratification du présent traité. La composition, les droits et les obligations de ces Commissions seront déterminées par une « instruction » qui sera confirmée pour chaque Commission par un accord entre les deux
Parties contractantes.
Rentrent, entre autres, dans les attributions de ces Commissions :
- L’élaboration d’un traité de commerce, ainsi que l’étude de toutes les questions ayant un caractère économique;
- La solution des questions relatives à la répartition des archives des organes de l’ancien pouvoir central, des dépôts des organismes administratifs et judiciaires, ainsi que des actes de l’état-civil et à l’expédition des affaires courantes des dits organes administratifs ou judiciaires ;
- La solution des questions relatives au paiement des biens en Russie des citoyens esthoniens,de ceux des citoyens russes en Esthonie, ainsi que des autres questions ayant trait à la défense
des intérêts des citoyens d’un des deux pays dans l’autre pays Partie au traité ;
- La solution des questions concernant les propriétés des associations rurales ou autres qui
ont été sectionnées par les nouvelles frontières.
ART. XV –
Les relations diplomatiques et consulaires entre l’Esthonie et la Russie seront établies dans le délai fixé par un accord subséquent.
ART. XVI
Les relations économiques entre l’Esthonie et la Russie seront réglées conformément aux dispositions contenues dans l’annexe au présent article.
Annexe I à l’article 16.
- Les Parties contractantes sont d’accord sur ce point que la conclusion de la paix met fin à l’étàt de guerre entre elles, même sur le terrain économique et financier. page 10
- Les Parties contractantes sont d’accord pour engager aussitôt que possible, après la ratification du présent traité de paix, les pourparlers relatifs à la conclusion d’un traité de commerce, à la base duquel doivent être placés les principes suivants :
a) Appliquer les conditions de la nation la plus favorisée sur leur territoire aux citoyens, entreprises et sociétés commerciales, industrielles ou financières, aux navires et à leur cargaison, aux produits du sol et à ceux de l’industrie rurale de l’autre Partie contractante, et de même à l’exportation et à l’importation des marchandises d’une des Parties contractantes sur le territoire de l’autre Partie.
b) Les marchandises traversant le territoire d’une des Parties contractantes ne doivent être frappées d’aucun droit d’entrée, ni payer aucune taxe de transit.
c) Les tarifs de transport des marchandises en transit ne doivent pas être plus élevés que ceux du transport des autres catégories de marchandises à destination du pays.
Remarque. – Jusqu’à la conclusion du traité de commerce, les relations commerciales de l’Esthonie et de la Russie seront réglées selon ces principes.
- Dans les bassins francs à ouvrir dans le port de Tallinn (Reval) et dans d’autres ports d’Esthonie, des emplacements sont réservés à la Russie pour le transbordement et l’emmagasinage des marchandises de ou pour la Russie, et les dimensions de ces emplacements se mesurent suivant la grandeur du port et l’importance du mouvement du commerce russe; de plus, les taxes perçues pour ces emplacements ne doivent pas être supérieures aux droits de transit perçus des nationaux esthoniens.
- Les Parties contractantes n’émettront aucune prétention à jouir des privilèges qu’accorderait l’une des Parties à un troisième Etat par une union douanière ou autre.
- Les biens mobiliers laissés après décès sur le territoire de l’une des Parties contractantes par des citoyens de l’autre Partie doivent être remis.en leur entier au représentant consulaire ou
à un autre correspondant de l’Etat auquel ressortissait le défunt pour que leur retour en Esthonie s’effectue conformément à la loi personnelle du défunt.
Annexe 2 à l’article 16.
- La dérivation artificielle des eaux des lacs Peipsi et Pihkva entraînant un abaissement de plus d’un pied du niveau moyen des ~aux de ces lacs, ainsi que les mesures en vue d’élever ce niveau, ne peuvent avoir lieu qu’après convention spéciale entre l’Esthonie et la Russie.
- Une convention spéciale relative à la pêche sur les lacs Peipsi et Pihkva, laquelle ne pourra
être pratiquée que par des procédés non susceptibles d’épuiser les richesses ichtyologiques de ses lacs, et relative aussi à la navigation marchande sur les dits lacs, sera conclue entre les deux Parties contractantes.
Annexe 3 à l’article 16.
- L’Esthonie consent à accorder à la Russie le privilège de recevoir l’énergie électrique produite par les chutes de la Narova; l’indemnité à verser à l’Esthonie en échange de ce privilège, ainsi que les autres conditions, seront déterminées par une convention spéciale.
- La Russie consent à accorder à l’Esthonie le privilège d’une concession pour la c9n~truction et l’exploitation d’une ligne de chemin de fer, la plus directe possible, à voie normale (simple ou
double), reliant Moscou à l’un des points de la frontière russo-esthonienne, avec dr01t de rachat à terme de cette concession; la durée de la concession, le délai de rachat et toutes les autres conditions de la concession seront arrêtés par une Commission spéciale. page 11
- La Russie consent à accorder à l’Esthonie le privilège de l’exploitation de forêts, d’une superficie d’un million de déciatines, dans les Gouvernements de Pétrograd, de Pskov, de Tver,
de Novgorod, d’Olonets, de Vologda et d’Arkangelsk; les conditions de cette concession seront arrêtées par une Commission spéciale.
ART. XVII –
Les deux Parties contractantes s’engagent réciproquement à prendre les mesures en leur pouvoir pour assurer la sécurité des navires de commerce dans leurs eaux territoriales en recrutant le nombre de pilotes nécessaires pour la conduite de ces navires, en faisant poser des feux et des signaux et en prenant des dispositions spéciales pour enclore les champs de mines jusqu’au moment où la mer en sera complètement déblayée.
Les deux Parties se déclarent d’accord pour participer au déblaiement de la mer Baltique des champs de mines, et à ce sujet une convention spéciale doit être passée entre elles; au cas où cette convention ne s’établirait pas, la participation de chacune des Parties au nettoiement de la mer serait délimitée par un tribunal arbitral.
ART. XVIII –
Les droits accordés par le présent traité et ses annexes aux citoyens esthoniens s’étendent aux institutions du « self-government » local, des villes, des associations ainsi qu’aux établissements
d’assistance, aux églises, aux institutions ecclésiastiques ou d’enseignement et à toutes les personnes juridiques.
ART. XIX –
Les textes russe et esthonien du présent traité sont également authentiques.
ART. XX –
Le présent traité sera soumis à la ratification des Parties. L’échange des ratifications aura lieu à Moscou dans le plus bref délai possible.
Le traité aura force légale dès qu’il aura été ratifié.
Partout, où dans le présent traité, le moment de la ratification est mentionné comme date de son entrée en vigueur, il faut comprendre par là le moment où les deux Parties contractantes s’informeront mutuellement de sa ratification.
En foi de ceci les envoyés plénipotentiaires des deux Parties ont signé de leur propre main le présent traité de paix et l’ont revêtu de leur cachet.
L’original en double exemplaire a été établi ct signé dans la ville de Tartu, le deuxième jour de février de l’an mil neuf cent vingt.
(Signé) J.POSKA.
(Signé) ANT. PIIP.
(Signé) M. PUUMAN.
(Signé) JuL. SELJAMAA.
(Signé) Général-major J. SOOTS.
(Signé) A. JOFFE.
(Signé) I. GOUKOVSKI.
La présente fiche a été réalisée dans la cadre du Master 2 Droit et Action humanitaires de la Faculté de droit et de science politique de l’Université d’Aix-Marseille.
Elle a été conçue par :
Marine B (fiche de contextualisation, illustration, résumé, correction du texte intégral)
Marie A (vérification)
Pr. Romain Le Boeuf (sources, transcription du texte intégral)
Crédits image : wikipedia